L’IA à l’hôpital : une mosaïque d’expertises pour être performant, l’exemple de l’hôpital Foch

Un hôpital est une ville à part entière.  Et quand on veut y déployer l’intelligence artificielle, c’est une tâche d’ampleur car il s’agit de couvrir de multiples besoins en parallèle qui nécessitent chacun une réponse spécifique, qu’il s’agisse du pilotage des équipes, du fonctionnement domestique de l’établissement, de la recherche clinique et de l’amélioration des soins au quotidien.  

De nombreux projets d’IA en cours à l’hôpital Foch

L’hôpital Foch, considéré comme étant de taille importante en France avec ses 2300 employés et ses 661 lits, illustre sa progression dans tous ces domaines. De nombreux usages de l’IA sont encore au stade de l’évaluation, du test et de la mise au point mais ils illustrent la réalité des apports des algorithmes et des besoins en Data de qualité dans le secteur des établissements de santé.

L’hôpital Foch revendique une approche globale au service des soignants et des patients pour se transformer grâce à l’IA. L’Hôpital intègre l’IA de manière concrète et progressive au sein de ses différents services. Il a noué de nombreux partenariats avec des startups et des acteurs clés du secteur.  La stratégie vise à améliorer les conditions de travail des soignants, à optimiser la qualité des soins et renforcer la recherche clinique. « L’IA peut transformer en profondeur la prise en charge des patients tout en libérant du temps médical » estime Jacques Leglise, directeur général de l’Hôpital Foch.

En pratique, l’Hôpital souhaite alléger les tâches administratives de ses personnels soignants pour qu’ils puissent se concentrer sur leur cœur de métier.  Il a recourt à des outils pensés pour les soignants.

Rédaction de compte rendu médical par IA générative

L’hôpital a déployé plusieurs solutions d’IA en 2025 destinées à optimiser l’organisation des soins. Un outil de rédaction de compte rendu médical est ainsi en béta test auprès d’une cinquantaine de médecins. Il permet de retranscrire automatiquement les échanges entre le médecin et le patient en compte-rendu médical structuré. L’outil baptisé DAX Copilot est basé sur l’IA générative et issu d’un partenariat avec Microsoft.

L’objectif est d’améliorer l’échange médecin-patient en permettant au professionnel de santé de se tourner intégralement vers le patient plutôt que vers un ordinateur. À ce jour, un millier de comptes rendus ont été produits. Les retours critiques des médecins de l’hôpital Foch aident à continuer à perfectionner l’outil. Dans le même objectif, l’optimisation des plannings est en phase d’expérimentation en partenariat avec la startup Hopia.

Un algorithme élabore des emplois du temps sur mesure. Il prend en compte les absences des personnes, les contraintes réglementaires et les disponibilités des professionnels de santé. Cet outil est désormais déployé au bloc opératoire. Il optimise le temps de réalisation des plannings, ce qui libère du temps chez les personnels d’encadrement des soins. Autre outil, un chatbot est dédié aux démarches administratives des patients. Il a été mis en production afin de  soulager le standard téléphonique. L’IA doit permettre aussi de fluidifier le parcours patient et de désengorger les services.

Amélioration des soins et détection précoce des tumeurs

L’autre grand domaine d’usage de l’IA est l’amélioration des soins. L’IA doit apporter un diagnostic plus rapide et plus précis. L’Hôpital Foch travaille depuis plusieurs années dans la détection précoce des tumeurs grâce à l’intelligence artificielle.

Le service d’imagerie médicale a initié des programmes de dépistage afin d’obtenir un diagnostic plus rapide, et une mesure plus précise de la taille des tumeurs. Selon les résultats, les patients sont orientés vers des parcours de soins coordonnés et adaptés à leur pathologie. Pour cela, l’hôpital s’appuie sur la société Incepto, spécialisée dans la détection de fractures et luxation, la détection de nodules pulmonaires et l’aide à l’interprétation des mammographies.

« Une expérimentation est en cours afin d’évaluer l’impact de l’utilisation en routine clinique d’une solution d’IA d’aide au diagnostic pour l’IRM de prostate » annonce Philippe Boulogne, Directeur des Systèmes d’Information. « Cette solution s’intègre aux outils métier radiologiques et propose la détection et la caractérisation des lésions cliniquement significatives, et la mesure du volume prostatique. Ces éléments sont, sous contrôle du radiologue, intégrés au compte rendu radiologique » précise-t-il. « La même expérimentation sera lancée pour l’IRM du genou » ajoute-t-il.

Logiciel de segmentation par IA pour les cancers prostatiques

D’autre part, dans le service de médecine nucléaire, un logiciel de segmentation par IA est utilisé depuis plusieurs mois pour aider à l’interprétation des TEP/TDM aux ligands du PSMA réalisées dans le cadre du cancer prostatique. L’objectif est de simplifier la quantification des lésions tumorales afin d’établir une cartographie complète sur l’ensemble du corps, visualisable en un coup d’œil.

L’hôpital Foch a aussi engagé un partenariat stratégique avec la jeune pousse Owkin, visant à étendre la collaboration sur les données et les échantillons biologiques. Le but est de poursuivre ses travaux de développement de nouvelles thérapies et biomarqueurs grâce à l’IA. Cette collaboration s’inscrit dans la continuité d’un projet mené sur le cancer de la vessie, lors duquel des organoïdes (mini-tumeurs cultivées en laboratoire) dérivés à partir d’échantillons biologiques humains ont été utilisés pour valider de nouvelles cibles thérapeutiques.

« La mise en place de ces partenariats stratégique nous permet de bâtir une médecine de précision, plus ciblée et personnalisée, au profit des patients atteints de cancer » se félicite Alexandre Drezet, directeur de la Recherche et de l’Innovation à l’hôpital Foch. «  Travailler avec les meilleurs acteurs nous positionne à la pointe de l’innovation pour mieux diagnostiquer et in fine, mieux traiter. »

Disposer de données sur les patients pour la recherche clinique

Au-delà de l’amélioration des soins, l’IA est mobilisée pour la recherche clinique et la médecine de demain. Dans ce cadre, disposer des bonnes données sur les patients est indispensable. Mais parfois le nombre de patients qui peuvent faire partie d’un test reste faible car la maladie est rare, le personnel dédié est pris par d’autres études concomitantes ou il est nécessaire d’obtenir des réponses de manière urgente, etc.

L’usage de données synthétiques est une solution. Dans ce contexte, l’hôpital Foch et Botdesign ont lancé en 2024, un projet pionnier destiné à enrichir les cohortes d’essais cliniques en générant des données « artificielles » (augmentées) à partir de patients réels. Un premier cas concret a été réalisé avec le Professeur Colas Tcherakian, pneumologue, afin de déterminer le niveau d’un marqueur sanguin pour prédire la présence de caillot dans les poumons chez les patients atteints de Covid.

Le nombre de patients a été amplifié de manière artificielle avec Botdesign. Cela a permis de montrer que seulement trois mois après l’arrivée du Covid, il aurait été possible de déterminer le niveau de ce marqueur, alors qu’il a fallu trois ans et rassembler plusieurs hôpitaux en France pour finir par y arriver. Deux autres projets structurants sont aussi en cours avec la société Lifen, qui utilise l’IA pour faciliter la collecte de données multicentriques.

Constitution d’une base de données sur le cancer du poumon

Il y a le projet LUCC pour lequel l’hôpital Foch est le deuxième centre d’inclusion en France. Ce projet vise à constituer une base de données de premier rang sur le cancer du poumon, avec près de 2000 patients inclus sur les 10 000 actuellement collectés. Quant au projet Cub, il est porté par l’hôpital Foch. Il vise à inclure d’ici la fin d’année 10 000 patients atteints de maladies bronchiques chroniques (BPCO, asthme), à évaluer l’efficacité des traitements et leurs facteurs de risques. Des centres partenaires comme le CHU de Caen ou le CH de Toulon seront prochainement associés.

D’autres axes de recherche sont également à l’étude : la réduction des temps de saisie des dossiers de recherche, l’optimisation de la valorisation de la donnée, ou encore de nouvelles méthodologies d’études répondant aux attentes de l’industrie de santé. Enfin, l’IA est mobilisée pour gérer l’établissement de manière plus durable. L’Hôpital Foch mène un programme de réduction des dépenses énergétiques.  L’hôpital a réduit sa consommation énergétique de 20 % depuis 2016 et il vise une réduction de 40 % d’ici 2030. Pour cela, il a fait appel à l’IA, en développant, avec la société Foobot, un jumeau numérique de ses infrastructures énergétiques. Ce modèle est alimenté par des algorithmes IA.

Il définit les scénarios optimaux pour chaque installation (chauffage, ventilation, climatisation), tout en tenant compte des éléments externes tels que la météo ou l’affluence. L’hôpital est actuellement en cours d’installation des capteurs d’ambiance et de la mise à jour de son architecture d’automates afin de permettre le pilotage automatisé de son réseau de chauffage. Les tests grandeurs nature débuteront lors de la prochaine saison de chauffe à partir de septembre 2025 en calculant des consignes en fonction des données d’entrée (températures et météo) toutes les 15 minutes. Cette première étape doit permettre d’économiser environ 5% de sa consommation de gaz annuel.

L’IA pour lutter contre le gaspillage alimentaire

Autre enjeu environnemental : l’hôpital lutte contre le gaspillage alimentaire. En 2024 et début 2025, une expérimentation a été menée avec Kikleo au restaurant en selfservice des employés. Des caméras ont analysé les plateaux avant et après repas. L’IA a ainsi détecté, lors de la dernière analyse de février 2025, 49g de gaspillage par employés, soit l’équivalent de 1 700 repas sur 22 532 et plus de 10 000 € de perte économique. L’IA a alors recommandé des ajustements tels que la réduction des portions de pain, le changement des ustensiles de service, etc. ayant permis une réduction de 11 % des déchets. Une action similaire sera prochainement menée auprès des patients.