Le DMA est actif, les géants de la tech listent leurs actions pour être conformes

Depuis le 7 mars, la réglementation sur les marchés numériques (Digital Markets Act ou DMA) est active en Europe pour six Gatekeepers. Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, s’en félicite.

Des questions en suspens

Mais des questions demeurent. Déjà, Apple affronte l’éditeur de jeux vidéos Epic Games sur la question des magasins d’application concurrents à l’Apple store. Et on ne connait pas encore toutes les conséquences commerciales et publicitaires des modifications apportées par Google à son moteur de recherche.

De même, on peut s’interroger sur les conséquences du fait que son service Maps, pourtant très bien fait en comparaison de ce que propose par exemple la RATP sur Paris, ne soit plus activable directement lorsque l’on cherche à s’orienter sur la carte pour retrouver une adresse. De fait, des ateliers organisés par la Commission européenne avec chacun des Gatekeepers ont lieu durant tout le mois de mars avec toutes les parties prenantes afin de traiter les questions en suspens. Il est possible d’assister à distance à ces sessions.

A noter qu’Amazon, Meta ou Google annoncent tous être intervenus sur des questions de protection des données des utilisateurs en donnant explicitement le choix de partager ou pas ces informations entre leurs services. De même, la portabilité des données des internautes s’est étoffée. Ce sont des questions qui auraient du être déjà traitées depuis le RGPD. On relèvera qu’Amazon propose pour répondre aux enjeux de transparence des rapports aux annonceurs sur leurs campagnes publicitaires en Retail média.

Des obligations précises sous peine de lourdes sanctions

Le 7 mars, Thierry Breton a vanté une amélioration de la concurrence grâce au DMA. « Le DMA c’est maintenant !  Dès aujourd’hui, les grandes plateformes désignées comme ‘contrôleurs d’accès’ doivent se conformer à des obligations précises sous peine de lourdes sanctions » souligne-t-il. Il prédit des progrès pour les entreprises et les consommateurs. « C’est plus d’opportunités pour les petits concurrents, plus de choix et d’options abordables pour les consommateurs » affirme-t-il.

Reste que quelques heures plus tard, Thierry Breton a du monter au créneau et mobiliser ses services à la suite d’une information du 6 mars selon laquelle Epic Games, société de jeux vidéos, était éjecté de la plateforme de développement d’Apple et ne pouvait pas mettre en œuvre son propre magasin d’applications sous iOS sur le continent européen.

« Sous le DMA, il n’y a pas de place pour les menaces des gatekeepers [gardiens de l’accès à internet] de faire taire les développeurs. J’ai demandé à nos services d’examiner en priorité la résiliation par Apple du compte développeur Epic » annonce Thierry Breton. « À tous les développeurs : c’est le moment de vous exprimer sur les solutions de conformité des contrôleurs d’accès » demande-t-il.

Epic Games voulait ouvrir un magasin d’apps sur iOS

Epic Games pour sa part exige d’Apple qu’il  respecte le DMA afin de lancer son magasin d’applications. « Nous avons récemment annoncé qu’Apple avait approuvé notre compte développeur Epic Games Suède AB. Nous avions l’intention d’utiliser ce compte pour proposer Epic Games Store et Fortnite sur les appareils iOS en Europe grâce au DMA » explique Epic Games. Apple a alors résilié ce compte, indique Epic Games.

« Apple a résilié ce compte et nous ne pouvons désormais pas développer Epic Games Store pour iOS. Il s’agit d’une violation grave du DMA et montre qu’Apple n’a pas l’intention de permettre une véritable concurrence sur les appareils iOS » affirme Epic Games. « En mettant fin au compte développeur d’Epic, Apple élimine l’un des plus grands concurrents potentiels de l’App Store d’Apple » ajoute Epic Games.

Selon Epic Games, Apple a résilié son compte développeur parce qu’il a critiqué publiquement le plan de conformité au DMA proposé par Apple et parce qu’Epic constituerait une menace pour l’écosystème d’Apple. Ce que réfute Epic Games. « Le DMA a été conçu pour éliminer le déséquilibre de pouvoir dont Apple prouve qu’il existe aujourd’hui » s’insurge Epic Games. « Ils prétendent avoir un contrôle total pour bloquer les magasins et les applications concurrents. Nous continuerons à nous battre pour apporter une véritable concurrence et un véritable choix aux appareils iOS en Europe et dans le monde » revendique Epic Games.

L’impact des modifications apportées par Google encore flou

Si l’affrontement entre Apple et Epic Games est clair, les conséquences commerciales des actions prises par Google afin de respecter le DMA sont moins nettes à ce jour. Google a publié les actions prises le 5 mars, en complément de celles déjà présentées le 17 janvier. Le géant détaille les modifications apportées à ses services pour respecter la nouvelle réglementation. Ces adaptations risquent de chambouler certains marchés.

Le moteur de recherche de Google fait désormais remonter les sites de comparaison pour les domaines commerciaux des vols, des hôtels et le shopping. Le service Google Flights pour des vols a été supprimé. Autres actions, sur un smartphone sous Android, on peut plus facilement changer de moteur de recherche ou de navigateur web. Un « écran de choix » est là pour faciliter le changement de moteur de recherche et de navigateur.

Il y a également des consentements supplémentaires demandés pour partager des données entre les services, Google (Youtube, Search, Ads, Chrome, Maps et Shopping). Les mises à jour de Google faciliteront également le téléchargement d’applications et de magasins d’applications tiers, l’accès à d’autres options de facturation en dehors de Google Play.

Demande aux utilisateurs de leur accord pour un ciblage publicitaire

Amazon pour sa part publie son rapport de conformité au DMA (32 pages). Il annonce en particulier avoir mis en place des invites demandant aux clients de donner leur consentement s’ils souhaitent bénéficier d’une expérience personnalisée sur le site e-commerce accessible en Europe et d’autres services Amazon tels que Prime Video et Audible. Amazon demande également aux clients leur consentement pour utiliser leurs informations personnelles provenant de tout service Amazon ou tiers pour leur montrer des publicités personnalisées.

Amazon annonce qu’il continue à garantir que les critères qui déterminent l’« Offre en vedette » sur la page de détails de produits traitent les vendeurs tiers et les détaillants Amazon de la même manière. Amazon déclare que les clients peuvent être assurés qu’ils continuent de voir les produits les plus pertinents et la meilleure « offre en vedette » proposée. Côté annonceurs publicitaires, Amazon annonce des rapports de tarification répondant aux exigences du DMA. Les annonceurs pourront vérifier de manière indépendante le succès et l’impact de leurs campagnes publicitaires..

Quand à Meta il insiste sur l’intéropérabilité de ses messageries WhatsApp et Messenger afin de se conformer au DMA. « Nous avons apporté des modifications majeures à WhatsApp et Messenger afin de permettre l’interopérabilité avec les services de messagerie tiers » assure Meta. Meta propose de nouvelles options afin que l’utilisateur ait plus de contrôle sur ses données telles que de séparer les données entre les comptes Facebook et Instagram. Meta insiste sur la possibilité de ne pas être ciblé par la publicité sur ses plateformes si l’utilisateur choisit l’option payante.

TikTok a travaillé sur la portabilité des données

Le 7 mars, Microsoft a publié les modifications faites pour être conforme au DMA. Le navigateur Edge et le moteur de recherche Bing ont été repensés afin que les utilisateurs puissent désinstaller ces applications de Windows à l’aide des mécanismes Windows standard disponibles pour la désinstallation s’ils choisissent de le faire. Des ouvertures ont été également réalisées pour les développeurs.

Enfin, TikTok a indiqué qu’il respectait ses obligations DMA. Il indique que cela concerne essentiellement la portabilité des données qui a été améliorée en mettant notamment en place une API à destination des développeurs et une sélection des catégories de données que l’on souhaite récupérer.