Gestion des RH : changement de culture chez le géant Carrefour

Jérôme Nanty, directeur exécutif RH, Carrefour

Les entreprises vivent à l’heure de la transformation des RH. C’est le cas chez le géant de la grande distribution Carrefour, constate Jérôme Nanty, directeur exécutif Ressources Humaines pour la France et le groupe Carrefour. Il s’est exprimé le 29 septembre à l’occasion des Epsilon Days.

Carrefour s’adapte face aux nouvelles attentes des candidats

Les raisons de rejoindre Carrefour évoluent tandis que les modes de recrutement et les objectifs de l’employeur s’adaptent face aux nouvelles attentes des candidats. Côté modes de recrutement, il faut aller où se trouvent les candidats potentiels. « Il faut aller chercher les candidats là où ils sont. Il faut une attention quotidienne pour savoir sur quels réseaux sociaux sont les candidats, par quel canal » avertit Jérôme Nanty.

Toutes les personnes qui ont candidaté dans le métavers sont en cours de sélection

Carrefour a par exemple réalisé une opération de recrutement dans le métavers pour des profils de spécialistes de la Data. « Nous avons fait une opération de recrutement sur le métaverse qui n’était pas seulement une opération de marketing. Toutes les personnes qui ont candidaté sont en cours de sélection. Il y a déjà un recrutement qui a été fait. C’est important d’aller chercher les candidats là où ils sont » insiste-t-il.

Dans le même temps, les attentes des candidats évoluent. Ils ne visent plus à l’emploi à vie. « On est confronté à des générations qui expriment une curiosité et une envie de vivre des expériences multiples beaucoup plus fortes qu’auparavant. L’idée d’avoir un métier pour la vie n’existe plus. L’entreprise pour la vie cela n’existe plus » déclare Jérôme Nanty.

Les candidats ont envie de plusieurs expériences dans plusieurs entreprises

L’envie de changement des candidats tranche avec la culture d’un grand groupe comme Carrefour. « Ils ont envie de vivre plusieurs expériences, plusieurs métiers dans plusieurs entreprises. Il faut que nous l’acceptions » constate le DRH. « Il faut que nous fassions cette révolution culturelle qui consiste à dire que le fait pour quelqu’un de partir après quelques années, ce n’est pas forcément une trahison » propose-t-il.

« Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui a comme objectif de garder le salarié le plus longtemps possible »

La donne change. Les employés semblent avoir plus de pouvoir. « Jusqu’ici, c’était le salarié qui avait comme objectif de rester le plus longtemps possible dans l’entreprise. Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui a comme objectif de garder le salarié le plus longtemps possible mais en acceptant le fait qu’à un moment donné il peut partir » demande d’accepter le DRH.

Le dirigeant pointe qu’il existe une pénurie des compétences dans les technologies sur le marché et une insuffisance de jeunes diplômés. « Le marché des talents sur la tech, sur la data, sur le digital en général est pénurique. Je crains qu’il ne le soit structurellement. Le rythme de production des talents ne suit pas le rythme de croissance du besoin des talents dans les entreprises » regrette-t-il.

Carrefour se bat sur marché où les compétences sont rares

La pénurie va durer, d’autant plus que les compétences nécessaires ne cessent de changer. « La nature des expertises se transforme à une vitesse telle qu’il est difficile de suivre. La formation initiale quand elle existe ne suffit plus. On se bat sur un marché qui va rester structurellement pénurique » tranche-t-il. « Il sera de plus en plus difficile de rester un professionnel au meilleur niveau dans un métier donné toute sa vie. Il y a une péremption de l’expertise beaucoup plus rapide qu’avant » ajoute-t-il.

« Notre taille doit être notre atout, c’est la diversité des métiers et la diversité des opportunités qui s’offrent à eux« 

Sur ce marché des compétences, qu’est ce qui parle plus aux jeunes générations et qui fait que Carrefour est différent d’un autre ? « La difficulté est de trouver les éléments différenciant. Il faut partir de ce que l’on est » pose le DRH. Il déclare qu’il leur vend Carrefour. « Notre taille doit être aussi notre atout, donc c’est la diversité des métiers et la diversité des opportunités qui s’offrent à eux » débute-t-il.

Il met en avant qu’il s’agit également de mener la riposte au géant Amazon du e-commerce. « On leur vend une aventure de transformation. Finalement, on se bat contre Amazon. Donc si vous êtes passionnés par la tech et la data il n’y a pas grand chose de plus excitant que de venir en première ligne en face des meilleurs. En clair, on leur vend une aventure que l’on veut jouer dans la cour des grands » présente-t-il.

Carrefour défend la qualité alimentaire à la portée de tous

Les valeurs de l’entreprise sont également clés pour les candidats. « On leur vend des valeurs. On s’éloigne un peu du pur sujet digital. Ils expriment des attentes sur ce qu’est l’entreprise, ce qu’elle incarne, ce qu’elle porte. Nous avons fait un gros travail là dessus, sur notre raison d’être » explique-t-il. A partir de 2018, Carrefour a annoncé qu’il souhaitait être  le leader de la transition alimentaire pour tous. « C’est défendre une certaine idée de la qualité alimentaire et de mettre cette qualité à la portée de tous. C’est quelque chose qui parle et qui est totalement sincère » souligne le DRH.

« Tous les sujets d’image environnementale et sociétale sont clés dans la construction de la marque employeur »

«  Nous n’avons pas que des atouts » reprend-il. « Dans les sujets de qualité de vie, notre siège est à Massy » grimace-t-il. Dans ce contexte, comment fidéliser les salariés ?  « Les valeurs sont une clé, positive ou négative » pense-t-il, tout en constatant que désormais il suffit d’un seul événement négatif diffusé dans l’opinion publique pour dégrader l’image d’une entreprise. « Jamais la marque employeur n’a été aussi dépendante de l’image globale de l’entreprise. Tous les sujets d’image environnementale et sociétale sont clés dans la construction de la marque employeur. On est très vulnérables dès que quelque chose ne se passe pas comme cela le devrait » reconnaît-il.

Va-t-on vers une entreprise Kleenex que le salarié oubliera très vite pour passer à une autre ?  « Oui, cela m’inquiète. Nous devons faire beaucoup plus d’efforts aujourd’hui pour fidéliser dans la durée. Et à partir du moment où nous sommes beaucoup plus en risque de perdre nos talents, nous faisons beaucoup plus d’efforts pour les retenir » décrit-il. Dès lors, cela change globalement la nature du lien avec l’entreprise, conclut-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *