Ecole 42 : « en France, vous n’avez pas le droit de mettre un ingénieur et un marketeur ensemble en cours»


Mettre ensemble un ingénieur et un marketeur

Il insiste « on essaye de vous garantir des développeurs qui savent d’abord développer. On sort des techniciens alors que les ingénieurs veulent être managers ou des chefs de projet. » Mais l’ambition clé est l’innovation. « En France, on sépare les écoles aux spécialités différentes, l’école d’ingénieurs Epita est au Kremlin Bicêtre tandis que l’école de commerce HEC est à Jouy en Josas. En France, vous n’avez pas le droit de mettre un ingénieur et un marketeur ensemble car ce n’est pas écrit dans le code de l’enseignement. C’e code fait 3800 pages. A titre de comparaison le code du travail fait 4000 page. Il y a une norme pour faire des ingénieurs. Il n’y a pas de norme pour faire de l’innovation. Nous, notre métier est de faire des gens innovants » martèle-t-il.

Il poursuit : « les canons de beauté de l’éducation nationale ne m’intéressent pas. Nous, on a des gens un peu louches, hétéroclites. On va mettre ensemble une personne de l’institut français de la mode et un informaticien, et regardons ce qui va se passer. » Cette démarche aura lieu la dernière année de formation. Un accord a été passé avec l’ESAG Penninghen, l’école supérieure de design, d’art graphique et d’architecture intérieure.  Kwame Yamgnane indique que l’Ecole 42 est ouverte à des partenariats avec d’autres écoles qui seront intéressées.


Comment réagit l’éducation nationale par rapport à l’Ecole 42 ? « La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Fioraso, a dit que la dernière école qui a été créée par un chef d’entreprise c’était celle de Bernard Tapie. Comparer Xavier à Bernard Tapie, c’est mort » coupe Kwame Yamgnane. Pour lui, face à Ecole 42, le corps de l’enseignement supérieur essaie de s’auto-défendre. « Quant aux écoles d’ingénieurs, elles ne nous parlent même pas » ajoute-t-il. Seul horizon qui s’éclaircit : « l’enseignement universitaire est plus intéressé. Il s’agit de former massivement et de qualité, et eux cela les intéresse. Mais sur ça, on n’a pas encore de retour » sourit Kwame Yamgnane.

 40 enseignants pour 3000 élèves

Kwame Yamgnane a détaillé certains modes de fonctionnement d’Ecole 42. « Les étudiants travailleront en équipe et se jugeront entre eux » présente-t-il. La rentrée a lieu le 18 novembre. Il y a de 2500 à 3000 étudiants et 40 enseignants. « En France, il y a un salarié de l’Education Nationale pour 15 élèves. Nous, nous aurons 40 enseignants pour 2 500 à 3 000 étudiants. Nous avons donc un logiciel pour gérer tout cela » annonce-t-il. L’étudiant va recevoir la liste des étudiants qu’il doit corriger, et lui-même va être corrigé par cinq personnes. C’est l’étudiant qui va choisir cinq personnes parmi dix qu’on lui propose. « Il y a un tri pour que ce ne soit pas ses potes qui le corrigent » ajoute le co-fondateur de l’école. Les notes ne sont pas sur 20.

« Soit tu rates soit tu réussis, ce qui demi-marche a zéro. Ce n’est pas le cas à l’Education nationale » compare-t-il. « Si tu as triché, et que tu as pris sur internet un bout de code que tu n’es pas capable de refaire, tu as ‘-42’ » ajoute-t-il. « Dans ce cas, on évalue le comportement des gens afin de comprendre ce qui se passe » dit-il.

Moins de 9% de filles dans la promotion

Il livre quelques anecdotes sur la manière dont la sélection des étudiants s’est effectuée. « Un tiers des gens sont partis durant la première semaine de la piscine [NDLR : la période de 4 semaines durant laquelle les candidats sont évalués] car cela ne leur convenait pas. Nous n’avons pas donné les critères de sélection pour qu’ils ne préparent pas spécifiquement ces éléments. Nous avons 8,7% de filles ! Là, c’est n’importe quoi. Une fille est forcément innovante car elle ne ressemble pas à ses voisins. Dans la promotion, 40% des jeunes n’ont pas le bac. On a des gens qui viennent de milieux extrêmement défavorisés » décrit-il.

Le manque de moyens a des conséquences pénibles. « L’école est gratuite, mais il faut 7000 € par an pour vivre à Paris » rappelle Kwame Yamgnane. « Les familles ne peuvent pas financer. Alors nous sommes aller voir Oseo, ils ont dit OK mais nous n’avons pas d’argent en ce moment. Il y a 40 étudiants qui ne peuvent pas venir car ils n’ont pas d’argent » regrette-t-il. Il indique toutefois que l’Ecole recherche un moyen de les faire venir malgré tout.

De vraies révélations …