L’éditeur SAP objet d’une enquête de l’Autorité de la concurrence

Siège de SAP

L’Autorité de la concurrence va lancer une enquête portant sur l’éditeur de logiciels allemand SAP auprès des entreprises et des organismes publics, qu’ils soient clients ou non de SAP. SAP est le fournisseur d’un logiciel de gestion clé dans les grandes entreprises, organisant les processus de commande et de facturation. SAP a réalisé un chiffre d’affaires de 28 milliards d’euros en 2021 et emploie 107 000 personnes dans le monde. A titre de comparaison, Dassault Systèmes, le plus grand éditeur de logiciels français, est près de six fois plus petit, avec un chiffre d’affaires de 4,8 milliards d’euros.

Le Club informatique des grandes entreprises françaises

A l’origine de l’instruction lancée par l’Autorité de la concurrence, on trouve le Club informatique des grandes entreprises françaises (le Cigref) qui souhaite apporter son entière coopération à l’Autorité de la concurrence pour faciliter l’instruction de ce dossier. Le Cigref réunit les DSI (Directeurs des systèmes d’information) des plus grandes entreprises françaises telles que LVMH, EDF, L’Oréal, TotalEnergies, Air Liquide, BNP Paribas, Michelin, etc.

Le problème récurrent concerne les accès indirects à SAP et leurs métriques de facturation

Entre SAP et les DSI du Cigref, les motifs de discorde durent depuis longtemps. Le plus connu concerne les accès indirects à SAP et la manière de les faire payer, c’est à dire les métriques de facturation. Un accès indirect concerne l’accès d’un logiciel tiers aux données de l’entreprise présentes dans SAP, pour un logiciel tiers tel qu’un WMS (gestion d’entrepôt), un CRM  (Relation client), etc.  Cela concerne également l’ouverture de portails de services aux clients de l’entreprise, et donc potentiellement à des millions de personnes. Cet accès est alors considéré par SAP comme un utilisateur qui doit payer une licence comme un utilisateur connecté en direct sur SAP à l’instar d’un comptable.

Le Cigref déplorait fin 2020 que les représentants de SAP France se contentent de délivrer les communications officielles de la maison mère. Cela illustre l’inquiétude des utilisateurs, auquel SAP ne parvient pas à répondre. Dès lors, le groupe de travail du Cigref sur SAP avait privilégié le partage des expériences entre les entreprises membres et la recherche d’expertises externes sur les accès indirects et les bons réflexes contractuels à adopter. Dans cette perspective, le Cigref travaille étroitement avec l’association des utilisateurs de SAP francophones (l’USF).

Calcul du coût des accès indirects à SAP

Le Cigref analysait fin 2020 les premiers cas d’usage des licences indirectes et l’impact du modèle Digital Access proposé par SAP sur leurs coûts. L’association suit de près ce qui se passe en Allemagne, où Voice (association consœur du Cigref en Allemagne) mène une action légale auprès du Kartellamt (l’autorité allemande de la concurrence) sur la légitimité des accès indirects. Le groupe de travail du Cigref sur SAP relevait alors que des discussions entre professionnels révélaient que SAP avait lancé des audits de conformité en se déplaçant chez ses clients entreprises afin de vérifier leur usage des licences, durant la Covid-19.

Le second sujet de préoccupation des DSI du Cigref est la migration obligatoire vers S/4Hana

Face à cette attitude de SAP, le Cigref a alors partagé une clause  d’encadrement type des audits réalisés par les éditeurs fournisseurs de logiciels entre les membres dans le but de favoriser l’émergence d’un standard. Le second sujet de préoccupation du Cigref est la migration obligatoire vers S/4Hana, un sujet que les DSI doivent absolument préparer. La version actuelle de l’ERP SAP (ECC) sera remplacée par S/4 HANA, seule version maintenue à partir de 2025. Fin 2020, le Cigref indiquait que la migration était majoritairement en attente chez les DSI car elle est considérée comme n’apportant pas suffisamment de valeur. « Ce changement de version forcé représente un phagocytage des ressources de la DSI, sans bénéfices métiers avérés » déclarait le Cigref en 2019.

Quant à la démarche de Voice, elle est fondée sur l’abus de position dominante de SAP au regard de certaines de ses pratiques commerciales, limitant l’interopérabilité. Par ailleurs, le Cigref a saisi l’Autorité de la concurrence pour pratiques anticoncurrentielles d’autres éditeurs de logiciels.

Plusieurs saisines déposées par le Cigref

Le Cigref a déposé à l’été 2021, plusieurs saisines auprès de l’Autorité de la concurrence à l’encontre de pratiques potentiellement anticoncurrentielles de certains de ses fournisseurs dans le secteur des services numériques aux utilisateurs professionnels. L’association intervient ainsi dans le cadre de ses activités concernant les relations entre les fournisseurs et les utilisateurs de services numériques.

Le Cigref souligne que ces saisines n’ont pas l’objectif de sanctionner les fournisseurs concernés. L’association veut juste faire cesser les pratiques qu’il juge déloyales, voire anticoncurrentielles, et dont sont victimes leurs clients, notamment les membres du Cigref. Le Cigref évalue en permanence l’état des relations entre les DSI et les grands fournisseurs de technologie d’entreprise, c’est à dire Oracle, Microsoft, AWS (Amazon Web Services), Salesforce et SAP.

Les entreprises trainent les pieds pour migrer vers SAP S/4HANA

Une grande attention est actuellement portée aux migrations à venir des entreprises vers SAP S/4HANA, relève le cabinet d’analystes PAC. La fin de la maintenance standard des actuels systèmes SAP est prévue pour 2027. Cela oblige les entreprises à changer leur système SAP.

Sur le terrain, la mise en œuvre de cette migration s’effectue lentement selon l’étude menée par PAC auprès de 350 entreprises en France. Seulement 5% des entreprises ont fini leur migration vers S/4HANA et la plupart des entreprises sont en cours sur le sujet. Dans le détail, 16% des entreprises prévoient d’avoir achevé leur migration vers S/4HANA d’ici 1 an et demi, fin 2023. Sinon, 28% des entreprises prévoient de démarrer la migration d’ici 2023 et 26% se préparent mais n’ont pas fixé d’agenda. Toutefois, même si les entreprises trainent les pieds, à peine, 5% pensent adopter un autre ERP du marché plutôt que de migrer vers S/4HANA.


Les approches pour réaliser cette migration sont réparties en trois grandes catégories, 25% des entreprises ont prévu un projet « greenfield », où on repart de zéro, quand 38% penchent pour une approche » brownfield », proche d’une montée progressive de version logicielle, et 38% pour une approche mixte.

L’approche « greenfield » consiste à réaliser une nouvelle implémentation de SAP S/4HANA et doit permettre une refonte totale du système et une simplification des processus. L’approche « brownfield » est une conversion de système. Il s’agit de migrer vers SAP S/4HANA sans procéder à une nouvelle implémentation, et sans perturber les processus métiers existants et où l’on peut utiliser des modules anciens.

Enfin, les migrations se feront sur des environnements sur site pour près de la moitié des entreprises, principalement pour des raisons de sécurité des données. On relève que plus d’un quart des entreprises ont choisi un environnement « full Cloud » et moins de 20% iront plutôt vers un modèle hybride.

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