Transformation des assureurs : le grand chambardement des organisations


Sous l’impact du digital, les assureurs s’affichent prêts à secouer les chaînes de leurs processus, à donner plus de libertés à leurs employés et à mieux s’occuper de leurs clients. C’est la voie qui se dessine à l’écoute des professionnels du secteur interrogés par l’Observatoire de l’Evolution des Métiers de l’Assurance. De nombreux ateliers de travail ont mobilisé plusieurs grands assureurs français. 

Chacun voit son poste être redéfini


C’est le grand chambardement des organisations. Le manager doit renoncer au commandement traditionnel pour se mettre au service de son équipe, le conseiller technicien doit adopter le point de vue du client, l’actuaire doit se rendre compréhensible des non-experts, l’informaticien ne prescrit plus le métier des autres mais se met à leur service et le contrôleur de gestion se risque à des analyses prédictives en se détachant du traitement des données du passé.

Le contrôle purement hiérarchique des employés en question chez les assureurs

Ainsi  les assureurs reconnaissent que leur management doit évoluer. Le contrôle hiérarchique et les procédures standardisées ne suffisent plus à traiter la complexité des situations affirme l’étude qui vante le développement spectaculaire d’une « logique d’ajustement mutuel ».

Avec « l’ajustement mutuel », le « manager coach » ou « servant manager » se positionne au service de l’équipe et entretient avec les règles de l’entreprise une relation plus critique. Le manager incite ses collaborateurs à remettre en question leurs propres pratiques. De contrôleur, il devient entraîneur et développeur d’équipe.

Loin de la mise en pratique

On est loin de ce but toutefois sur le terrain. Ce mode de management n’émerge surtout que dans les discours car il « se heurte à des incompréhensions ou des résistances dans ses mises en pratique » admet l’étude. « Après des décennies de domination sans partage de la supervision hiérarchique, les avancées de l’ajustement mutuel comme mode de coordination managériale constituent un des bouleversements les plus profonds introduit par la transformation digitale » pointe l’enquête.

Réunion de plusieurs tâches sur une même tête

Autres évolutions identifiées par l’étude, la tendance de réunir sur une même tête des tâches qui étaient jusque-là accomplies par d’autres. Par exemple, un commercial équipé d’outils digitaux assure la complétude d’un dossier avec une intervention des gestionnaires de contrats de plus en plus réduite.

De même, l’indemnisation des clients a cessé d’être seulement technique pour devenir un exercice commercial. Plutôt que de renvoyer le client vers un commercial, l’efficacité pousse à ce que l’indemnisateur transforme immédiatement en vente de garanties et de services l’opportunité qui émerge d’un sinistre, d’une conversation ou d’un moment. De plus, la mise en œuvre d’opérations technico-administratives impersonnelles n’est plus d’actualité. Il faut écouter le client et construire des solutions personnalisées autour de ses problèmes.

Des questions ouvertes sur la spécialisation 

Les évolutions en cours posent la question de la spécialisation et de la coordination. Le poste d’indemnisateur cumulait une grande variété de tâches : accueil de l’assuré ou de l’intermédiaire, ouverture du sinistre, nomination d’un expert, proposition d’indemnisation, règlement du dossier et exercice de recours. Dès lors, la gestion des recours doit-elle être prise en charge par des équipes spécialisées ou intégrée dans une indemnisation polyvalente ? Faut-il spécialiser des collaborateurs sur l’ouverture et d’autres sur l’instruction des sinistres ? Où passe la frontière et que faut-il mettre derrière « ouverture du sinistre », quand le client souhaite de plus en plus une indemnisation immédiate ? Les assureurs travaillent actuellement pour concilier une réponse optimale au client et les ressources disponibles.

Comprendre les enjeux de chaque métier chez l’assureur

A l’heure du digital, il s’agit également de mieux comprendre les enjeux des autres métiers. Les souscripteurs en risques d’entreprises, dans leurs dialogues avec les commerciaux, doivent résoudre la contradiction entre le développement du chiffre d’affaires et le respect des règles techniques. Quant à l’activité de pilotage économique, comptable et financier, elle ne se limite pas à produire des états chiffrés. Il faut dialoguer avec les responsables métiers pour rendre compatibles leurs propres enjeux avec les objectifs financiers de l’assureur en développant une connaissance plus fine du métier pour être crédible.

On assiste à un vaste mouvement de recomposition des activités et des compétences dans les métiers de l’assurance, analyse l’étude. Les emplois de pur traitement administratif de l’information disparaissent. Un nombre croissant de postes intègre des rôles transverses. De plus en plus de postes requièrent de démêler un écheveau d’enjeux techniques, relationnels, réglementaires, politiques et émotionnels. Le travail nécessite de discerner, d’interpoler et de dégager les meilleurs compromis. Le salarié ne peut plus sélectionner certains registres et faire l’impasse sur les autres.

L’interprétation humaine valorisée 

Dans les organisations traditionnelles, l’interprétation humaine locale était une menace pour la standardisation. Avec le digital, elle devient une condition de la performance, relate l’étude. Recueillir des informations, analyser, élaborer des conjectures, apprécier les bénéfices et les risques, déterminer le meilleur chemin pour atteindre un but deviennent désormais courantes.

Il faut éviter les silos constitués autour de chaque métier de l’assureur

La recomposition des postes autour de rôles transversaux facilite le dialogue et le passage d’un univers métier à un autre. Les métiers sont moins susceptibles de se constituer en communautés fermées et autonomes. Les métiers doivent se développer autour de compétences hybrides, à la fois techniques et relationnelles.

Enfin, il faut voir que cette transformation interne se déroule alors que les assureurs veulent être des partenaires de vie de leurs assurés. Le contrat d’assurances doit devenir un point d’entrée dans un univers lié à l’usage des biens assurés, au « prendre soin » en santé, ou à l’ingénierie de protection financière. Dans chacun de ces univers, l’information, la prévention, la facilitation, le conseil, l’assistance sont susceptibles d’enrichir considérablement le service. Pour les assureurs, il s’agit de « faire rentrer » le client dans ce système et de développer des habitudes rendant pour lui « inconfortable » l’alternative d’un changement d’assureur, apparaît dans l’étude.

17 ateliers réunissant de grands assureurs

L’enquête « Que deviennent les métiers de l’assurance au temps du digital ? » a été réalisée par l’Observatoire de l’Evolution des Métiers de l’Assurance (OEMA). Pour répondre à cette question, 120 professionnels ont été réunis par l’Observatoire dans le cadre de 17 ateliers. Ils étaient issus des assureurs AG2R Le Mondiale », Allianz, la mutuelle des motards, Aviva, Axa, CNP Assurances, Covea, Generali, Groupama, Macif, Maif, Matmut et Prévoir.

Les postes évoluent vers la prise en compte du client

Sous la pression du digital, la valeur ajoutée de chaque employé chez les assureurs vient davantage de la prise en charge de la complexité. Un nombre croissant de postes quitte la gestion pour investir des rôles où il faut coordonner, piloter, conseiller, anticiper, alerter, veiller, communiquer, accompagner, convaincre, à la différence du traitement administratif ou technique de l’information.
En 2018, dans plusieurs familles de métiers, c’est le conseil que les professionnels désignent comme une activité principale. Les indemnisateurs vont jusqu’à considérer que cette activité vient en tête et structure l’instruction et le règlement des sinistres. D’autres rôles transverses, comme « accompagner » les clients, les équipes, les collaborateurs, sont cités à de multiples reprises. Une logique du « prendre soin » s’esquisse. Chaque situation doit potentiellement faire l’objet d’une investigation, d’une réponse particulière et d’un discernement dans la mobilisation des ressources.
Dans un tel contexte, les termes de « chargé de règlement » ou « d’indemnisation » sont jugés trop étroits. D’aucuns pensent même que les mots d’indemnisateur ou d’indemnisation pourraient demain être effacés des tablettes. Les intitulés qui se développent sont chargé de solutions d’indemnisation, chargé d’accompagnement du client, support et accompagnement des victimes, chargé de relations service-client ou conseiller en indemnisation et services. Le conseiller du client, souscripteur ou indemnisateur, ne peut plus se contenter d’établir le contrat ou déterminer le montant du sinistre.
Autre exemple, les comptables passent de moins en moins d’écritures et sont de plus en plus enrôlés dans la participation à des projets : développements informatiques, intégration de nouvelles sociétés, définition de procédures. On le retrouve encore chez les souscripteurs en risque d’entreprises, à qui il échoie de piloter les pouvoirs de souscription délégués à un courtier. Dans cette même logique, les activités de « calculs » ne constituent qu’une partie de ce qu’on attend d’un actuaire. Il doit expliciter son raisonnement de manière pédagogique et d’être capable de dialoguer avec des non-initiés de manière contradictoire.

La montée en puissance des assistantes et des product owners

Les besoins liés à la coordination expliquent la création ou la reconfiguration de certains postes. Illustration, l’assistante de direction, de département ou de service tient un rôle croissant dans la fluidité du fonctionnement quotidien des équipes, loin des tâches de pur secrétariat. C’est une fonction de coordination que les managers débordés leur délèguent, dans des champs aussi variés que l’environnement du travail, la communication interne et externe, la comptabilité ou le budget.
En informatique, le « product owner » concentre des activités et des compétences autrefois distribuées sur plusieurs personnes dans les organisations classiques. Il est parfois décrit comme un super chef de produit disposant d’une vision d’ensemble, à la fois technologique, marketing et en design des processus. Son intervention doit accélérer l’intégration efficiente de toutes ces dimensions. Pour d’autres, la fonction exige des connaissances métier fortes et une vision terrain, mais aussi des compétences de négociation. Il n’y a pas de pré-requis techniques pour devenir « product owner », mais il faut tout de même avoir une appétence pour la technologie et être prêt à apprendre sur le sujet. Une définition qui rend son rattachement à différentes directions au sein des entreprises également possible.

2 réactions sur “Transformation des assureurs : le grand chambardement des organisations

  1. jememarre

    Le poncif habituel sur le milieu de l’assurance. rien de nouveau, rdv en 2020

    Je recommande la partie scandaleuse sur « l’assistante de direction » 😉

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