Objets connectés de santé : « la sécurité sociale n’en perçoit pas la valeur ajoutée »

Un glucomètre connecté

Les objets connectés de santé font naître de nombreux espoirs. Leur usage est toutefois freiné par les risques associés et l’absence de prise de conscience de leurs bénéfices par une institution telle que la sécurité sociale.

C’est ce que constate Laure Beyala, ingénieure spécialisée en biomédical. travaillant sur une plateforme d’objets connectés de santé à l’hôpital Bichat à Paris. Elle vient de publier le livre « Connected Objects in Health: Risks, Uses and Perspectives. »

La Revue du Digital : quels sont les objets connectés de santé les plus prometteurs en termes de bénéfices pour les patients ?
Laure Beyala : les dispositifs connectés de santé permettent de mieux se connaître, de surveiller et d’améliorer sa santé. Parmi les plus prometteurs, on trouve des tensiomètres, des balances, des podomètres, des cardiofréquencemètres, des thermomètres avec ou sans contact, des débitmètres recommandés pour les personnes atteintes d’asthme, et des glucomètres pour le suivi du diabète de type I & II.


La Revue du Digital : y aura-t-il des conséquences pour la sécurité sociale ?
Laure Beyala : des milliards d’euros sont dépensés, chaque année, pour des patients qui ne respectent pas les prescriptions de leurs médecins. Les objets connectés en santé proposent une technologie participative, de preuve et de prévention. Ils instaurent des messages d’alerte ou des réflexes pour surveiller ses paramètres de santé et mieux vivre avec une maladie chronique. Cette médecine du XXIe siècle qui se veut à la fois préventive et participative permettrait à certaines institutions, comme la sécurité sociale, de dégager des économies.

La Revue du Digital : quelle est la place des entreprises, des startups françaises et des hôpitaux français sur ce marché des objets connectés de santé ?
Laure Beyala : la France (hôpitaux, entreprises, scale-ups, startups, etc…) est à la pointe du progrès. Lors du salon CES de Las Vegas 2017, la délégation française s’est classée troisième après les USA et la Chine. Le pavillon France occupait une place de choix au Mobile Word Congres (MWC) de Barcelone 2017. La France a une position d’avant-garde dans le secteur des objets connectés.
Par ailleurs, il existe une bonne coopération entre les startups et hôpitaux français. François Hollande, alors Président de la République avait d’ailleurs lancé, en 2015, l’alliance « Industrie du futur ». Elle réunit des acteurs pluridisciplinaires (des écoles d’ingénieurs, startups, hôpitaux, centres de recherches, CNI, sociétés d’assurance, etc…) autour d’un projet commun de modernisation du modèle industriel par le numérique.

La Revue du Digital : quelle est l’action de la sécurité sociale ?
Laure Beyala : l’assurance maladie serait une force positive pour le déploiement de la santé connectée dans la mesure où, elle rembourserait des objets connectés jugés utiles pour le patient. Mais, pour l’heure, ces dispositifs connectés ne sont pas pris en charge en raison, notamment, d’une faible perception de la valeur ajoutée de ces appareils et d’un manque de protection juridique des médecins prescripteurs.

La Revue du Digital :quels sont les freins au développement massif des objets connectés de santé en France ?
Laure Beyala : malgré leur croissance sur le marché de la santé français, il y a de nombreux obstacles au développement massif des objets connectés. Cela est dû, en grande partie, à l’absence d’un cadre juridique unique pour assurer la protection des données. Il y a aussi tous les risques liés à la fiabilité, à la confidentialité, à l’intégrité et à l’interopérabilité de ces données. On peut ajouter qu’il n’y a pas de prise en charge des objets connectés en santé par l’assurance maladie. Enfin, au sein de nos centres hospitaliers, la santé connectée présente des risques de violation du secret professionnel.

La Revue du Digital : les assureurs doivent-ils avoir accès aux données des objets connectés de santé sous une forme ou une autre ?
Laure Beyala : en France, la CNIL se définit comme l’autorité en charge de veiller au recueil et à la protection des données personnelles conformément à la loi Informatique et libertés de 1978. Cependant, pour les données collectées par les objets connectés en santé (tablettes, smartphones, applications mobiles, algorithmes décisionnels), je pense que les assureurs pourraient éventuellement y avoir accès. Il faudra absolument avoir le consentement de l’assuré au moment de la souscription du contrat. Ce qui pourrait permettre à certaines assurances d’individualiser l’offre auprès de leurs assurés.

La Revue du Digital  : le dossier médical partagé (DMP) n’a jamais décollé en France, les objets connectés de santé vont-ils changer la donne notamment en faisant apparaître des dossiers de données de santé gérés par des startups ou des sociétés privées ?
Laure Beyala : j’estime qu’avec les données recueillies par des objets connectés en santé de certaines startups, le DMP va enfin prendre son envol. En synchronisant les données collectées par des applications de santé avec celles contenues dans le DMP, cela pourrait permettre de contrôler les interactions médicamenteuses d’une prise en charge médicale.
Se posera ensuite, inévitablement, le problème de la sécurité des données du DMP. En effet, elles attirent, de plus en plus, des hackers.

Connected Objects in Health: Risks, Uses and Perspectives

Les objets connectés dans la santé par Laure Beyala

Connected objects today present a range of opportunities in medicine. We live in a new digital era where the monitoring and analysis of one’s own health information no longer belongs solely to the realm of science fiction.

The success of these new devices resides in their usage, which integrates seamlessly into the daily life of the user in order to continually collect the maximum amount of data. These medical connected devices therefore constitute a new hope in transforming user experience as well as the care pathway. They offer a better level of support and a better quality of life for those suffering from chronic illnesses or mental, sensorial or physical disabilities. However, these solutions also pose systematic problems, especially regarding the risks linked to their usage.

This book presents a cartography which clearly details all the potential risk scenarios linked to the usage of connected devices as well as the actions which should be undertaken to promote balanced governance and guarantee the development of high-quality medical devices. Aims to help the reader understand the difference between a connected object and a medical connected device.

Identifies and evaluates all the potential risks and perspectives associated with the use of connected medical devices. Shows how to make a comprehensive risk analysis with standards like ISO 31000 and 14971.

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