« Sophia, le robot qui comprend, c’est du bluff »

Laurence Devillers, spécialiste de l'interaction homme machine, 29 mars

L’être humain a trop tendance à se projeter sur un robot, à nouer une relation sociale avec lui, au point de le créditer de plus de qualités humaines et d’intelligence que la machine n’en possède réellement. C’est ce sur quoi Laurence Devillers veut attirer l’attention.

Spécialisée dans les intéractions homme machine


Elle est spécialiste de la communication humains-machine, professeure en intelligence artificielle à l’université Paris-Sorbonne et chercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur (Limsi) du CNRS. Elle a pris la parole à l’occasion de l’événement AI for humanity, au collège de France, le 29 mars réunissant la fine fleur de l’écosystème universitaire spécialisé dans l’intelligence artificielle.


Exemple de robot qui suscite des attentes au-delà de la réalité : le robot Sophia. Il ne comprend pas en réalité. Il fonctionne à partir de technologies de scripts. « Sophia de Hanson Robotics qui parle à l’ONU, en disant qu’elle est un robot qui comprend, etc, c’est du bluff » déclare Laurence Devillers. « Il y a un script derrière pour faire cela. C’est une démonstration d’un agent qui est juste capable de synthétiser des choses. Une sorte de marionnette. Il faut arrêter de biaiser les choses » prévient-elle. L’être humain doit comprendre de quoi il en retourne vraiment.

Elle rappelle que l’humain projette sur ces machines autonomes des capacités humaines, il y a un attachement aux machines. « Cette capacité de projection est très naturelle chez l’humain qui vit en interaction sociale, mais elle peut aussi nous empêcher de comprendre. Il faut comprendre avant tout » décrit la spécialiste. Il peut même y avoir un attachement à un aspirateur autonome.

Ces machines ne font que simuler

Elle attire l’attention sur le fait que ces machines sont différentes de nous, qu’elles apprennent sans comprendre, sans sens commun même si elles peuvent être douées d’une certaine autonomie relative. « A l’heure actuelle, on crée des machines qui sont capables de raisonner, de prendre des décisions, on leur donne aussi des capacités d’apprentissage, de temps en temps seules, en interaction avec des humains, et capables aussi d’interagir verbalement avec les humains. Certaines peuvent détecter les émotions, voire d’en simuler, d’être empathique » décrit-elle. Mais ces machines ne font que simuler nos comportements, une partie de l’intelligence humaine.

« On est en train de créer des machines qui ne sont pas conscientes, n’ont pas d’émotions, n’ont pas d’intention, n’ont pas de désir. On est juste en train de simuler ce qui serait le fonctionnement du cerveau et pas du tout l’utilisation du corps. Nous créons des machines qui font une simulation de nos comportements. On n’a aucune connaissance réelle de ce qu’est le substrat de la pensée  » conclut-elle.

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