Recommandation de contenus : France Télévisions contre Netflix, David contre Goliath ?

France Télévisions veut pouvoir changer rapidement d'outils quand il s'agit de Data

La technologie avance à une vitesse affolante. Les entreprises doivent être en capacité de re-challenger leurs fournisseurs afin d’en détecter un plus performant si possible. C’est ce que préconise Ghita Taoujni, directrice Marketing Numérique et Data chez France Télévisions. Elle pense en particulier au domaine de la recommandation de programmes TV aux spectateurs face à un redoutable concurrent tel que Netflix.

Brancher et débrancher les outils du marché 

« Il faut se donner la possibilité de re-challenger. De brancher et de débrancher des outils du marché. Le marché avance à une vitesse affolante » constate-t-elle. Elle a pris la parole à l’occasion de l’événement Marketing Day 2018 organisé par le magazine e-marketing.


Pour tous les projets Data on peut déployer des choses très rapidement

Cette possibilité est également rendue possible grâce à la rapidité inédite de déploiement des projets Data. « Pour tous les projets Data, on peut déployer des choses très rapidement. Le déploiement de notre outil de recommandation [NDLR : de programmes TV] a été fait en 3 mois. Ce qui est très rapide, tests inclus » souligne-t-elle.

Cette volonté de remettre régulièrement un choix technologique en question s’explique par la pression que fait peser un poids lourd tel que Netflix. « Nous n’irons jamais aussi vite qu’un concurrent tel que Netflix qui emploie 1200 ingénieurs, sur leur plateforme avec une exposition mondiale » avoue la responsable qui se veut pragmatique. « Ce n’est pas avec 15 à 20 développeurs qui ont d’autres sujets autour de la data que l’on va réussir à être aussi efficaces et pertinents. Ma conviction est que lorsque ce n’est pas notre métier, il ne faut pas faire en interne » tranche-t-elle.

Craintes de s’embarquer dans des tests durant plusieurs mois

Déjà le choix de la startup lyonnaise Cognik qui réalise le nouveau moteur de recommandation par filtrage collaboratif a été réalisé en mode « test and learn « , en mettant 3 prestataires en concurrence en direct lors d’une évaluation auprès des internautes.

Un parcours classique pour établir une short list, c’est après que le doute naît

La première étape pour France Télévisions comme tout le monde, avait été de réaliser un benchmark, en définissant une grille, des besoins, des besoins fonctionnels et des exigences techniques. Une « short list » d’outils a été établie. « Mais là on est un peu coincés. Est-ce que cela marche ? Est-ce que l’on peut s’embarquer dans un projet à plusieurs mois pour un résultat qui n’est pas certain ? » questionne la directrice.

Elle a donc lancé un ABC test en direct, avec 3 algorithmes de recommandation du marché, pendant six semaines. « Nous avons défini des indicateurs et nous avons choisi l’algorithme qui fonctionnait le mieux dans notre contexte, avec nos contraintes » dit-elle. Le système de test est toujours en place, et lorsque France Télévisions voudra re-challenger cet outil parce que le marché évolue vite, il pourra très facilement en brancher d’autres et les tester pour voir ce qui fonctionne le mieux sur sa population.

La recommandation devient obligatoire pour les médias

« France Télévisions en tant que média n’a plus d’autre choix que d’aller vers de la recommandation. Le contenu est roi, les gens ne viennent pas sur une plateforme parce qu’il y a de la recommandation. Ils viennent pour regarder un contenu. C’est ce qu’ils font sur Netflix » débute Ghita Taoujni.

Les utilisateurs ont besoin d’être aidés face à des milliers de contenus

Mais elle ajoute qu’un usage s’est développé, c’est celui des gens qui vont sur Netflix en se demandant ce qu’il y a à regarder. Dès lors, France Télévisions n’a plus le choix. Les utilisateurs se sont habitués à avoir des plateformes avec de la personnalisation. Ils ne veulent pas perdre de temps à chercher dans un catalogue de milliers de contenus. « Ils ont besoin d’être aidés. Nos concurrents sont M6 et TF1 et c’est de plus en plus Netflix et Youtube » pointe la responsable.

France Télévisions fait de la recommandation sur sa plateforme de replay France.tv, à la fois sur le site Web et sur l’App mobile et chez les fournisseurs d’accès internet, sur Free par exemple. Cette recommandation est influencée par la nature de service public de France Télévisions. « Nous avons une mission de pédagogie, d’éducation et d’accompagner l’utilisateur pour qu’il sorte de sa bulle » résume la directrice.

Certains critiques sont sur-pondérés 

Dès lors, dans les algorithmes de recommandation, ce n’est pas parce que le téléspectateur regarde « Plus belle la vie » tous les jours qu’il va lui être recommandé du « plus belle la vie ». « Nous allons essayer de sur-pondérer certains contenus à plus forte valeur pédagogique ou d’actualité, par exemple l’histoire d’une nation qui était très peu connue du public. On a des programmes que l’on va surpondérer dans nos algorithmes de recommandation » annonce la responsable.

Plusieurs algorithmes de recommandations sont combinés

Plusieurs algorithmes de recommandation sont combinés chez France Télévisions. Les algorithmes les plus basiques sont fondés sur les contenus, sur les rapprochements dans un catalogue entre deux contenus. Par exemple, un magazine de société est rapproché d’un autre magazine de société. Cela est assez basique. Il y a des algorithmes plus fins qui sont basés sur le comportement de l’utilisateur. Un utilisateur peut être en train de regarder du sport mais France Télévisions sait qu’il aime aussi les séries américaines, et donc il va lui être proposé des contenus qui sont en rapport à sa navigation et son comportement.

Et enfin, il y a ce sur quoi France Télévisions travaille et qui n’est pas encore en place sur ses plateformes, c’est le filtrage collaboratif. Amazon a popularisé ce dispositif. C’est « ceux qui ont aimé cela ont aussi aimé cela ». Si un utilisateur a regardé les contenus A, B, C et D, et qu’un autre a regardé les contenus A, B et C, il existe une très forte probabilité qu’il s’intéresse aussi au contenu D. « Donc, nous allons lui pousser ces contenus. Sur ces algorithmes, on travaille avec une startup lyonnaise Cognik » présente Ghita Taoujni.

La connexion des spectateurs deviendra obligatoire

Faut-il avoir identifié l’utilisateur pour optimiser sa recommandation de programmes ? France Télévisions est encore au milieu du gué sur cette question. « Aujourd’hui nous avons un login incitatif sur France.tv. Il est possible de faire de la recommandation  juste sur la base d’un cookie. C’est moins riche parce que l’on sait qu’un utilisateur va regarder un contenu sur son smartphone le matin, et que le soir il va vouloir le finir sur sa tablette. Le login est le seul moyen de rapprocher un comportement entre les différents équipements. On va en avoir besoin pour enrichir l’expérience » décrit-elle.

France Télévisions avance progressivement vers la connexion de tous ses utilisateurs

Dès lors, le groupe audiovisuel avance progressivement car il reconnaît qu’il existe un frein des utilisateurs à se loguer, d’autant plus sur un site de service public. « Mais nous  n’aurons pas d’autre choix que d’y aller » tranche la directrice. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait M6 sur sa propre plateforme dès l’origine.

Afin de connaître la réussite des algorithmes de recommandation, l’indicateur retenu par France Télévisions c’est l’audience, c’est-à-dire la consommation de vidéos. « La recommandation représente 5% à 10% de la consommation vidéo sur nos plateformes. Ce qui est assez considérable parce que nous avons une part d’accès direct qui est très  forte. Les gens viennent et savent ce qu’ils veulent regarder. Et la recommandation permet de plus engager l’utilisateur et d’améliorer la conversion » se félicite-t-elle.

Optimisation des newsletters avec  le CRM

Les newsletters du groupe sont également personnalisées avec d’autres technologies. France Télévisions se base sur les segments de ses utilisateurs, avec la DMP qui est connectée à son CRM. « Nous faisons soit des newsletters personnalisées soit on affine le ciblage selon le comportement de l’utilisateur sur le site. On observe 2 à 3 fois plus de clics lorsqu’une newsletter est personnalisée en CRM » conclut la directrice marketing.

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