L’e-commerce vide les centres commerciaux ? C’est une fable

François Feijoo, Président de Procos et PDG de l’enseigne de chaussures Eram

Ce n’est pas l’e-commerce qui vide les magasins physiques ou les centres commerciaux, c’est l’excès de mètres carrés commerciaux ouverts. C’est l’avis de Vincent Ravat, directeur général délégué de Mercialys, société qui possède 55 galeries commerciales en France.

E-commerce et vente à distance équivalents

Il ne croit pas non plus à la croissance soutenue du e-commerce qui irait jusqu’à peser un pourcentage élevé du commerce. Le DG estime que le e-commerce atteint à peine le même niveau que la vente à distance quand celle-ci se réalisait uniquement par le catalogue papier qui a désormais disparu.


Transformer les magasins en stocks pour des livraisons locales

Il s’est exprimé à l’occasion de l’événement professionnel « Siec Evolution by CNCC » le 2 octobre à Paris, qui traite de l’évolution des centres commerciaux. Pour autant, Vincent Ravat estime qu’il faut reconfigurer les magasins afin de les transformer en unités logistiques locales capables d’expédier des produits aux clients. C’est la condition de survie des commerçants, pense-t-il. Et il reconnaît également que la fiscalité française favorise outrageusement le e-commerce en surtaxant les commerçants qui gèrent des mètres carrés.

Quoiqu’il en soit, les enseignes physiques souffrent affirme François Feijoo, Président de Procos qui représente la fédération du commerce spécialisé et PDG de l’enseigne de chaussures Eram. La fédération Procos réunit 260 enseignes telles que Decathlon, McDonald’s, But, Norauto, Mr Bricolage, Conforama, Monoprix, Etam, Zara, Lacoste, André, Sephora, Yves Rocher, Kiabi ou Orange.

Baisse récurrente de la fréquentation des magasins

François Feijoo aligne avec fatalisme les chiffres de baisse récurrente de la fréquentation par le public des centres commerciaux où l’on trouve les magasins de sa fédération : -6,1% (2014), -5,2% (2015), -5,5% (2016) et -2,6% (2017).

Baisse des flux de clients en magasin et hausse des loyers

François Feijoo présente également la baisse des flux de clients dans les boutiques (-4,4% par an depuis 2014), la baisse de chiffre d’affaires (-0,5% par an depuis 2014) et dans le même temps, la hausse des loyers (+2,2% par an depuis 2014) que leur imposent les propriétaires des centres commerciaux. « Il faut que les propriétaires de centres commerciaux nous considèrent comme leurs clients » tranche-t-il.

Si le chiffre d’affaires des enseignes a été relativement préservé c’est à coup de promotions et de réduction de la masse salariale, explique-t-il, ce qui va à contre sens de la promesse de faire venir en magasins grâce à la qualité de l’accueil et du conseil, déplore-t-il. Semblant désabusé et attristé, le PDG d’Eram a demandé aux propriétaires des centres commerciaux de prendre en compte la situation actuelle, « car il y a des limites » sous peine que « tous les commerçants se retrouvent sur Amazon ».

Création d’un double virtuel du centre commercial

Face à la pression du e-commerce, le digital doit être intégré dans les magasins mais ce ne doit pas être un gadget. « On ne doit pas faire d’expérimentations gadgets, cela n’a aucun intérêt » estime Fabrice Bansay, DG de Apsys group, propriétaire de centres commerciaux, annonçant 200 millions de clients dans ces espaces. « Il faut tout simplement prolonger le parcours client, qu’il soit digital ou physique » propose-t-il. Il travaille notamment sur la création de doubles virtuels des centres commerciaux grâce au BIM (Building Information Modeling) afin de réaliser des simulations afin d’optimiser la venue de clients grâce aux services et aux animations. « Ce sont des développements à moyen terme extrêmement coûteux » modère-t-il.

Marier le magasin et l’intelligence artificielle

Marier le physique et le virtuel apparaît logique. « Il faut une hybridation. Le commerce repose sur la capacité d’accueil, mais il faut aussi augmenter cette expérience au travers de la technologie » confirme Fabien Versavau, DGA de Rakuten France, e-commerçant qui entend commercialiser ses technologies auprès des enseignes physiques. Rakuten a pour cela réalisé notamment l’acquisition de Curbside en juin dernier, un moteur d’intelligence artificielle en Californie.

Cette offre permet d’optimiser les flux de « ln store pick up » c’est à dire de constitution de commandes en prenant les produits en magasin, solution dont Sephora est un très gros utilisateur. « Chez Sephora la part des ventes en click and collect est très importante et cela pose des problèmes de gestion de flux physiques dans le magasin » expose le DGA. « La technologie aide les personnes dans les magasins qui préparent les commandes à ordonnancer correctement l’accueil et la préparation des commandes. Un client qui a fait sa commande click and collect à 13 heures avant un autre client qui l’a faite à 13 h 30, ils ne vont pas forcément se présenter dans cet ordre là, sans la technologie le niveau de service ne peut que décroître » affirme-t-il.

Les responsables des données doivent rencontrer les commerçants

Dans cette évolution, les données ne circulent pas assez entre les propriétaires de centres commerciaux et les commerçant locataires de mètres carrés dans ces centres commerciaux. « Je visite beaucoup de centres commerciaux, je voyage beaucoup en France. Les gens des centres commerciaux brassent des milliers de datas, sortent des tableaux, et ils ne descendent jamais dans la galerie parler avec les commerçants » constate François Feijoo.

« Cela m’inquiète beaucoup. Dans la plupart des cas, quand je pose la question à mes équipes, la relation est nulle avec la direction du centre commercial. La donnée c’est bien, mais n’oubliez pas les humains qui sont dans les boutiques et qui ont du mal à boucler toutes les demandes faites par les consommateurs » conclut-il.

Une réaction sur “L’e-commerce vide les centres commerciaux ? C’est une fable” :

  1. Jean Francois de Ramecourt

    Le e-commerce a bon dos pour expliquer la totalité de la chute de certaines enseignes !
    En revanche, les bailleurs commerciaux, au premier rang desquels Unibail-Rodamco, dans leur posture de rentier autistes, me font penser à ces personnages de dessins animés qui courent encore quelques secondes dans le vide après le bout de la falaise : « jusqu’ici, tout va bien ! » : Augmentation dingue des surfaces commerciales, augmentation tous les ans des loyers et encore plus des charges, alors que baisse chaque année fortement le trafic. En conséquence, rotation de plus en plus rapide des enseignes qui s’épuisent financièrement l’une après l’autre sans que cela semble émouvoir un iota la bonne conscience des bailleurs-rentiers, au contraire : « On trouvera bien encore un gogo ou un nouveau venu étranger qui tiendra quelques années à nous enrichir avant de jeter l’éponge ! Ça donnera en plus A nos visiteurs une impression agréable de renouvellement et des boutiques toutes neuves ! ».
    C’est le personnel, de plus en plus pressuré, qui fait les frais de la pression financière imprimée sur les résultats par les loyers : Il y a 15/20 ans, dans le compte d’ex d’un bon magasin de ces CC, la répartition salaires/loyers était d’environ 15 et 10% du CA; aujourd’hui c’est souvent 10 et 15%, voire 10 et 20%…
    La répartition de plus en plus défavorable du fruit d’une activité entre financier et salariés (sauf les très grands chefs), en voilà une illustration parlante…

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *