« La blockchain arrive dans les levées de fonds en mode participatif, il faut être prêt »

Léo Lemordant, président d'Enerfip

Enerfip.fr est une plateforme de financement participatif spécialisée dans les projets d’énergies renouvelables. Elle teste actuellement la blockchain publique pour se roder afin d’être prêt dès l’automne 2016 pour une émission d’obligations. Léo Lemordant, président d’Enerfip, justifie sa feuille de route. 

Question : avec quelle société testez-vous cette levée de fonds via blockchain ?
Leo Lemordant :
nous allons réaliser un test sur l’émission de Bois Energie. C’est une société qui est en cours de closing actuellement suite à son succès la semaine dernière avec 78 000 € collectés. Ce test n’aura aucune force légale. Il se fera en parallèle du closing habituel. Nous souhaitons tester la fiabilité et la sécurité du processus. 

Nous réalisons un premier test actuellement en anonymisant les données personnelles


La plateforme enerfip.fr ne sera pas liée en pratique à l’application qui réalisera l’émission en blockchain afin d’éviter toute faille de sécurité. Les noms et les informations personnelles des investisseurs ne seront pas reproduits dans l’émission blockchain. Toutes les informations sensibles seront anonymisées.
Suite à ce test, que nous espérons concluant, nous travaillerons à l’intégration de la solution à notre plateforme, afin d’être prêts pour octobre prochain, et pouvoir émettre des mini-bons via blockchain, cette fois avec force juridique. Nous développerons le lien entre la plateforme enerfip.fr et l’application blockchain en assurant un transfert des informations fiable et sécurisé à 100%. Cela devrait être réalisé pour septembre 2016, en attendant de connaitre les détails de la réglementation pour réaliser la première émission de mini-bons en blockchain en octobre 2016.

Nous utilisons la blockchain du Bitcoin

Question : qui est le fournisseur de votre plateforme blockchain ?
Leo Lemordant :
nous n’avons pas de fournisseur à proprement parler. Nous travaillons en interne, en partenariat avec un cabinet ad-hoc, oceandata.io et son PDG Thomas Gerbaud.
Nous utilisons la blockchain Bitcoin, disponible en Open Source, c’est la même solution technologique que celle utilisée par OverStock il y a un an pour réaliser le même type d’opération, une émission obligataire de 25 millions de dollars, validée par la SEC à New York.

Question : quel est l’avenir de la blockchain dans votre activité ?
Leo Lemordant :
à terme, nous pensons que près de la moitié de nos collectes se fera via blockchain. La blockchain offre de nombreux avantages en termes de sécurité, de coûts et de transparence par rapport au fonctionnement actuel. De nombreuses entreprises renoncent au financement participatif en obligations à cause de la lourdeur, des contraintes et des coûts liés à l’émission d’obligation et aux coûts de suivi d’émission.
La blockchain élimine ces barrières, car le registre sera créé automatiquement, et mis à jour de manière très simple. De plus, il sera accessible à toutes les parties à tout moment ce qui procure une transparence qui n’existe pas à ce jour. Il est également possible d’envisager à moyen-terme un marché secondaire des mini-bons ce qui leur apportera donc une liquidité.

[Tweet « Paradoxalement, une blockchain privée n’offre pas les mêmes garanties qu’une blockchain ouverte »] Question : vous utilisez une blockchain bitcoin pourquoi ?
Leo Lemordant :
la plupart des acteurs du financement participatif envisagent des blockchain fermées, nous nous basons sur une blockchain ouverte, et sur le protocole du Bitcoin. II s’agit de la seule blockchain sécurisée et éprouvée depuis plusieurs années.
Les blockchain privées n’offrent paradoxalement pas les mêmes garanties qu’une blockchain ouverte. Le protocole bitcoin est le seul fiable à ce jour. Le hack de TheDAO basé sur l’Ethereum, seul vrai rival à ce jour de la blockchain Bitcoin, l’a cruellement rappelé mi-juin 2016.

Question : que voulez-vous dire quand vous parlez des bons de caisse qui étaient utilisés jusqu’alors pour contourner la légalité du financement participatif ?
Leo Lemordant : Unilend, un des leaders du crowdlending, a le premier utilisé fin 2013 les bons de caisse pour financer des projets. C’était alors une solution élégante pour résoudre l’équation légale.
En octobre 2014, le gouvernement a mis en place une nouvelle législation, sur-mesure pour le crowdfunding qu’il concerne le don, le prêt et l’equity. Pour le prêt, la loi a créé un statut d’Intermédiaire en Financements Participatifs (IFP), avec des contraintes sur la typologie des projets, et surtout des limites d’investissement très contraignantes pour les plateformes.

Dès octobre, nous pourrons intermédier les mini-bons en utilisant la blockchain

De nombreuses plateformes se sont alors mises progressivement à copier la solution Unilend, clairement pour contourner cette limitation tout en restant dans la légalité ou plutôt le flou légal. Sur certaines plateformes, les deux solutions, prêt participatif et bons de caisse, coexistent encore actuellement.
Cette situation a amené le législateur à revoir la loi, dès le printemps 2016 afin de réguler les bons de caisse dans le cadre du financement participatif. C’est Emmanuel Macron, ministre de l’économie qui en a fait l’annonce.
Les plateformes n’auront plus le droit d’intermédiaire des bons de caisse à compter d’octobre 2016. Ceux-ci sont remplacés par un nouveau produit, le « mini-bon », un hybride du bon de caisse et de l’obligation, que les plateformes pourront intermédier avec certaines contraintes.
A noter que ce produit sera intermedié par les Conseillers en Investissements Participatifs (régulé par l’AMF), un statut sous lequel exerce Enerfip depuis avril 2015. Il sera possible, a priori, d’utiliser la blockchain pour l’émission de ces mini-bons.
Dès octobre 2016, les plateformes de financement participatif exerçant –comme Enerfip- sous le statut de Conseiller en Investissements Participatifs délivré par l’AMF pourront intermédier les mini-bons en utilisant la blockchain. Nous souhaitons donc nous préparer au plus tôt à ces évolutions de réglementations afin d’être opérationnel à l’automne prochain.

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