« Je préfère être Chief Digital Officer que responsable du Legacy »


Difficile d’innover dans l’informatique de l’Etat. Les équipes sont vieillissantes, les recrutements sont à la baisse tout comme les budgets et l’absence de concurrence n’incite pas à la prise de risque. Pour autant, l’innovation est possible en déléguant les responsabilités, en constituant de petites équipes agiles et inventives. Le Cloud est également un vecteur de transformation tandis que la mutualisation permet de réduire certains coûts. C’est la vision proposée par Jacques Marzin, directeur de la DISIC (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication).

Dès lors, il ajoute :  » je crois assez à la transition vers le Chief Digital Officer, ça m’embêterait d’être le responsable du Legacy. »  Jacques Marzin est qualifié habituellement de ‘DSI de l’Etat’.  Il s’est exprimé lors de l’événement « Numérique, Innovation et performance » organisé par la société de services américaine CSC, le 26 septembre à Paris.

En France, l’informatique de l’Etat c’est 22 000 informaticiens, et c’est une population vieillissante. « Il n’y a pas assez de sang neuf » déplore Jacques Marzin. La DISIC pour sa part fédère les onze DSI ministérielles.


Face à des budgets sous pression, des actions de mutualisation permettent des économies. « La mise en œuvre du système interministériel de l’état, qui fédère huit réseaux, a permis de 30% à 35% d’économies sur les télécoms grâce à cette mutualisation » illustre Jacques Marzin. De plus, les débits ont été améliorés et ils ne sont plus un frein aux nouveaux usages.

Mais la mutualisation a ses limites. Il serait impossible par exemple de regrouper toutes les DSI et leurs applications. « Nous avons un système complexe, il ne se simplifiera pas, sauf à dégrader le service rendu. Nous avons un système fractal, il faut s’organiser en mode fractal » affirme Jacques Marzin. Chaque système d’information de chaque ministère est complexe comme celui d’une banque. « Nous avons cinq  ‘No Go’ contre 1 ‘Go’ pour toucher à ces systèmes » rappelle le DSI de l’Etat.

Pour autant, des initiatives comme Etalab, le service qui est en charge de la politique Open Data de l’Etat, illustre comment bouger grâce à de petites équipes. « Avec  Etalab, on peut être hyper agile, pour recruter des gens qui ont une vision de ce que l’état pourrait faire. On donne de la liberté à des petits groupes portés par une vision. Un sur trois réussira, mais tout cela a un coût minime » se réjouit Jacques Marzin. Etalab est une petite structure de six personnes.

Cela reste toutefois trop limité de son point de vue. « Nous n’avons pas suffisamment de jeunes pour insuffler du peps ! » se plaint-il. A l’heure de la sous traitance, pour autant deux métiers fondamentaux ne seront pas externalisés. « Il s’agit des directeurs de projets qui doivent être plus forts quand on sous traite, et des  architectes urbanistes » précise Jacques Marzin.

Dans la rénovation des systèmes d’information de l’Etat, le Cloud aura une place clé. « Dans 10 ans, 80% de l’énergie informatique de l’état sera délivré en mode Cloud » annonce Jacques Marzin. Les données de l’Etat et les données personnelles des citoyens étant sensibles, ce Cloud sera hybride afin d’éviter les problèmes dus aux Clouds publics.

«  Les problèmes sont l’intéropérabilité des Clouds et les niveaux de service dont les géants américains ne veulent pas attendre parler, » pointe Jacques Marzin. Il choisit d’aller vers le Cloud hybride en retenant des prestataires « comme OVH, Cloudwatt ou Numergy et surtout pas Amazon. » Il souligne qu’il entend ne pas polluer le marché car l’Etat au vu de sa taille pourrait lancer ses propres offres. Il ouvrira toutefois le premier Cloud privé de l’Etat, qui délivrera des services Iaas, Saas et Paas. « Le Saas concerne pour débuter la gestion des potentiels des hauts fonctionnaires, et qui est destiné aux DRH de tous les ministères » décrit-il. Il constate qu’il est plutôt difficile de convaincre les DSI des ministères. Afin de rendre le Cloud séduisant, « on parle alors de virtualisation industrielle, car aujourd’hui les DSI sont plutôt dans un mode manuel. »

Afin de diffuser les bonnes pratiques, Jacques Marzin se montre adepte de la responsabilisation des équipes locales dont il apprécie la compétence. « Les grands cadres s’affinent au fil de la descente dans les organisations. C’est mieux que les tours d’ivoire que j’ai connues, avec des bastions où le DSI et le métier se détestent » se souvient-il.  Il déplore que  « la séparation entre MOA et MOE ait fait beaucoup de dégâts. » Il ajoute : » il faut un plan d’ensemble, mais la mise en marche passe par une structure répartie. »

Dans sa volonté de changement, il reconnaît que les RH sont le moteur de l’innovation. « Mais avec comme seul objectif de réduire notre taille, comment motiver les gens alors que nous sommes hors de concurrence, et pourquoi se mettre en danger ? » interroge-t-il. Il préconise alors de trouver les rêves des techniciens, de réduire le stress pour le stress, d’écouter l’agent de base et d’associer les back offices aux processus d’innovation. « Par exemple, ces équipes participeront à 2 ou 3 runs Scrums » illustre-t-il. Enfin, il croit aux formations en ligne de haut niveau telles qu’on les trouve sur Coursera ou Edx .

Photo, de gauche à droite : Jean-Michel André, DSI groupe de Europ Assistance, Beray Legouverneur DSI de Gefco et Jacques Marzin, DSI de l’Etat. 

 

 

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