« Google et Facebook sortiraient vainqueurs d’un durcissement de la protection des données »


Les géants du Web, Google, Amazon, Facebook ou Apple, ont su créer une relation d’intimité avec leurs clients. C’est cette relation qui les protégerait si l’idée venait de durcir la loi sur la protection des données en France, estime Nicolas Colin, co-auteur du rapport sur la fiscalité du numérique.

Certaines entreprises françaises pourraient être tentées de mettre des bâtons dans les roues des géants du Web américains en renforçant les lois sur la protection des données. Ce serait une mauvaise idée, affirme Nicolas Colin, célèbre co-auteur du rapport Colin et Collin sur la fiscalité du numérique et membre de la CNIL. Il a pris la parole en ouverture de l’événement sur le Big Data organisé par la CCI d’ïle de France, à la Bourse de Commerce de Paris, le 13 Mai.


Ceux qui ont créé une relation de confiance

Il estime qu’un durcissement de la loi sur protection des données devrait bénéficier aux entreprises qui ont su inspirer la confiance dans leur relation avec le client tout au long des années, et cela devrait nuire à ceux qui ont inspiré la défiance.

Et dans ce cas, selon lui, c’est Google ou Facebook qui l’emporterait contre les banques et les opérateurs télécoms. Nicolas Colin est également co-fondateur de TheFamily, un accélérateur d’écosystème pour les startups et les grandes entreprises, et suit au quotidien l’activité des startups de la Silicon Valley.

Les firmes US vont trop loin

« On entend beaucoup dans les sphères où j’évolue les entreprises dirent ‘il faut renforcer la protection sur les données contre les firmes US qui vont trop loin’ » indique-t-il. « Or, ce renforcement va poser problème à ceux qui vous inspirent la défiance, plutôt qu’à celles qui vous inspirent la confiance. »

Il poursuit : « si on demandait aux consommateurs entre Google et Facebook et les banques et les opérateurs télécoms, à qui allez-vous donner vos données ? La réponse est connue d’avance. C’est à Google et à Facebook parce qu’ils ont su montrer qu’ils utilisaient les données pour améliorer les services depuis des années. »  Nicolas Colin met les banques à l’index : « elles prélèvent des frais incompréhensibles. » Quant aux opérateurs télécoms, « ils vous enferment dans des abonnements. »

Pourquoi le CAC40 n’a-t-il rien fait ? 

Il insiste, « renforcer la législation sur la protection des données, nuit aux entreprises qui inspirent la défiance, plutôt qu’à celles qui ont travaillé à nous inspirer confiance, et dans l’amélioration de leurs services. » Il interroge : pourquoi avons-nous laissé les quatre cavaliers de l’Apocalypse – Google, Facebook, Apple et Amazon – s’emparer de la confiance avec le client ? Pourquoi nos groupes du CAC40 n’ont-ils pas réussi cela?

« Le premier élément de réponse, est qu’il n’y a pas cet impératif aux entreprises en France d’inspirer confiance à leurs clients. Ils n’ont pas à créer ce lien privilégié » répond Nicolas Colin.   Il valorise la démarche des sociétés américaines qui à l’instar d’Uber, la société de transport par VTC, a tout son temps pour lier cette relation de confiance avec ses clients. « La relation de confiance, c’est comme avec un doudou, on sait que les données sont collectées pour améliorer le service, et que si cela va trop loin, on va pouvoir s’exprimer » décrit-il comme étant le point fort des géants qui ont su créer cette relation d’intimité avec leurs clients.

« Uber a levé 250 millions de dollars auprès de Google Ventures. Ce qui leur donne une patience infinie pour se lier à leurs clients. Ils sont annoncés comme les vainqueurs » indique-t-il. Conclusion, si on ne se ressaisit pas de ce côté de l’Atlantique, « la France va continuer de dégringoler, » termine-t-il.

Photo, Nicolas Colin, célèbre co-auteur du rapport Colin et Collin sur la fiscalité du numérique et membre de la CNIL, le 13 mai 2014 à la Bourse du Commerce de Paris. 

Nos décideurs manquent de maturité sur le Big Data, pour Nicolas Colin

« Nos décideurs considèrent trop souvent que si l’on collecte des données c’est pour nous profiler et nous envoyer des publicités » décrit Nicolas Colin. « Cela prouve l’immaturité sur le sujet du Big Data. Car le Big Data cela concerne aussi la personnalisation du service, l’assemblage de propositions, c’est un peu comme un bon serveur dans un restaurant qui finit par connaître vos goûts et vous proposent ce que vous aimez » illustre-t-il.

Il poursuit : « Avec le Big Data, on sait aussi jusqu’à quel prix vous êtes prêt à payer, et cela permet de pousser le prix au plus haut. Mais cela permet aussi d’améliorer une Appli, de mieux placer un bouton pour améliorer le taux de conversion. »

Enfin, il y a les entreprises qui ont trop de données. « Elle les mettent dans une plateforme pour les partager, et faire créer de la valeur par des tiers, avec qui elles partagent les revenus.  » En conclusion, le software va envahir tous les secteurs, « Amazon et Netflix se définissent comme des software companies » conclut-il.

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