« En France, on confond technologie et numérique » regrette Nicolas Colin


Par la faute de notre esprit technologue et d’une mauvaise traduction de certains thèmes américains, nous Français confondons le numérique avec la technologie. Cela n’a rien à voir. Une entreprise numérique est une entreprise en hyper croissance et qui actionne tous les leviers pour le rester. C’est la vision de Nicolas Colin, inspecteur des finances. Dans ce sens, les opérateurs télécoms ne sont pas des entreprises numériques.  

« Les opérateurs ne sont pas des entreprises numériques » estime Nicolas Colin, inspecteur des finances, qui s’est rendu célèbre pour le rapport Colin et Collin sur la fiscalité des entreprises américaines en Europe. il aura contribué à démontrer comment les Google, Amazon et Starbucks échappent aux taxes et aux impôts des pays où ils réalisent des bénéfices monstrueux.


Co-fondateur de The Family et co-auteur de « l’âge de la multitude-Entreprendre et gouverner après la révolution numérique, » Nicolas Colin  s’est exprimé le 13 Juin, lors de l’événement des Echos, Telco&Digital, à Paris.

La France confond le numérique avec de la technologie

« En France, on vit sur un grand malentendu, on confond le numérique avec de la technologie » prévient-il. L’usage massif de technologies numériques ne fait pas l’entreprise numérique, martèle-t-il. On utilisait déjà le numérique avant même l’arrivée d’internet.

Ce n’était pas pour autant que les entreprises étaient numériques. « On voit bien que les nouvelles entreprises présentent de grandes différences en termes de culture financière, de ressources humaines et de culture industrielle » en veut-il pour preuve, en désignant les « Gafa », Google Amazon Facebook et Apple.

Les entreprises numériques croissent beaucoup plus vite, innovent à un rythme sans pareil, et finissent toujours par l’emporter dans la bataille pour le positionnement dans la chaîne de valeur et dans la bataille des marges, résume-t-il. Et les GAFA, « l’emportent toujours à la fin » sourit Nicolas Colin.

La traduction depuis l’américain induit en erreur

Il rappelle que les Américains parlent de « Tech Company » et de « Software Company« . Autant de mots qui induisent les francophones en erreur. « Les Américains appellent une entreprise numérique, une Tech Company, c »est un faux ami, on a tendance à se dire que Tech veut dire Technologie, et nous Français on se réjouit car on est très forts en technologies. En réalité, la technologie a très peu d’importance dans tout ça, une Tech Company c’est une entreprise innovante, » explique-t-il.

Il poursuit : « et puis, les Américains parlent de Software Company. C‘est pour suggérer ce cocktail extraordinaire entre la technologie, le design, la culture de l’expérience utilisateur, l’agilité, la culture des hackeurs, etc.» En France, on ne sait pas traduire cela, et on pense entreprise logicielle, informatique et SSII, regrette-t-il, et on rebascule alors dans les errements de la technologie, dans l’illusion technologique. « Or, pour moi, une Software Company, c’est une entreprise numérique » affirme-t-il.

Les entreprises numériques sont obligées d’être en hyper croissance

On est alors face à deux cultures financières différentes. D’un côté, les entreprises établies se satisfont de leurs positions dominantes, et reversent une partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes aux actionnaires. Et de l’autre, on trouve les entreprises numériques qui actionnent tous les leviers possibles pour entretenir leur hyper croissance permanente, aux dépens de leurs marges.

Il ajoute « une entreprise numérique, c’est une entreprise qui n’a pas d’autre choix que d’être toujours en hyper croissance pour repousser l’assaut des concurrents. Systématiquement la croissance est favorisée par rapport aux marges. Et c’est cette hyper croissance qui explique le recours massif au logiciel, à l’alliance systématique avec les startups, le déploiement des plateformes, les effets de réseau qu’on essaie d’installer dans les applications, via l’effet communautaire. C’est l’hyper croissance qui fait les entreprises numériques. »

Les opérateurs ne sont pas des entreprises numériques

Dès lors, les opérateurs télécoms ne sont pas des entreprises numériques. Ils ne sont pas en hyper croissance. Et ils ne résisteront au choc face aux OTT (« Over The Top« ) que s’ils apprennent à redevenir des entreprises numériques, selon Nicolas Colin.

Une manière d’y parvenir serait de se consolider en amont.  « C‘est ce qu’a fait Intel quand le PC a été transformé en commodité par IBM, et que Microsoft a pris le contrôle de l’aval de la chaîne de valeur dans l’informatique des années 80,«  indique Nicolas Colin. En ces temps là, on s’est dit Microsoft a battu les fabricants de matériel, on ne fait plus aucune différence entre un PC Dell ou un IBM.

Beaucoup plus discret, Intel s’était installé complètement en amont. « Il disait peu importe que les PC soient complètement commodotisés, peu importe que Microsoft contrôle le lien avec le client final, moi j’ai un objectif très simple c’est d’être le seul fournisseur de puces qui vont permettre à tous les PC du monde de fonctionner » rappelle Nicolas Colin.

Les opérateurs télécoms ne peuvent pas imiter Intel

Se consolider en amont, c’est se replier tout en s’assurant que l’on sera le seul dans cette position et que l’on nourrit une recherche et développement qui va permettre de prendre systématiquement l’avantage. « Or, ça c’est une chose que les opérateurs ne peuvent pas faire car la régulation leur interdit cette consolidation monopolistique en amont de la chaîne, » constate le co-fondateur de The Family.

Résultat, l’option qui leur reste,  c’est de s’installer dans un rapport d’intimité privilégié avec leurs clients, dans une démarche d’innovation permanente, et de diversifier la proposition de valeur, dans une expérience immersive. « De façon à ce que plus personne ne puisse s’immiscer entre les opérateurs et leurs clients. Pour cela, il faut instaurer la confiance » assène Nicolas Colin.

Le client doit avoir le sentiment d’être chouchouté

« Il faut que les clients aient le sentiment qu’ils sont leur priorité. C‘est ce que répètent en permanence les Google, Amazon ou Facebook, dans toutes les dimensions de leurs activités, y compris dans leurs stratégies de financement. Ils déclarent que leur priorité c’est leurs clients. Or actuellement, les opérateurs télécoms inspirent plutôt la défiance aux consommateurs, et ils ne savent pas délivrer une expérience utilisateur comme celle des Gafa » constate-il.

Un remède possible pour les opérateurs télécoms est de s’appuyer sur les startups. « Or les opérateurs télécoms ont une image déplorable chez les startups actuellement » relève Nicolas Colin. En cause ? La perception des opérateurs télécoms comme des obstacles à l’innovation. Cela concerne les coûts de Roaming entre les différents pays, l’absence de réseau dans les moyens de transports, en particulier dans le métro, idem pour le sentiment que les opérateurs veulent rançonner les paiements sur mobile, liste en conclusion Nicolas Colin.

S’ouvrir aux développeurs indépendants

Et même si on peut avoir le sentiment que Nicolas Colin prêche un peu pour sa paroisse, car The Family accompagne le développement des startups, il faut que les opérateurs s’ouvrent aux développeurs indépendants pour créer de nouvelles offres de services, sans chercher à mettre en place systématiquement des barrières de péage.

Photo : Nicolas Colin inspecteur des finances, le 13 Juin à Paris, à l’événement des Echos, Telco&Digital.

 

Morgane Mons

Morgane Mons est journaliste spécialisée dans les nouvelles technologies et la transformation numérique des entreprises. Esprit Geek, passionnée de multimédia, retrouvez ses actualités sur son fil twitter.

Une réaction sur “« En France, on confond technologie et numérique » regrette Nicolas Colin” :

  1. Do-Khac

    Une théorie de l’entreprise numérique qui ne confond pas technologie et numérique :
    « entreprise numérique = IT 2.0 + IP 2.0 »

    IT : information technology
    IP : intellectual property

    associé à un site dégageant les applications pratiques de cette théorie : le site présente une galerie de plus de 50 modèles d’affaires numériques, du plus simple au plus complexe
    ww.entreprise-numerique-creative.eu

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