Comment l’Open Government a dopé l’assiduité des députés tunisiens


La transparence de la vie politique tunisienne repose pour partie sur les petites mains de l’organisation Al Bawsala. Les membres d’Al Baswsala comptabilisent chaque action des députés dans l’hémicycle et les diffusent vers le grand public. Les conséquences sont très positives. 

En suivant les actions de chaque député tunisien lors de l’assemblée constituante et en les communiquant au grand public, l’organisation non gouvernementale Al Bawsala a joué le rôle d’aiguillon de la nouvelle démocratie tunisienne. C’est ce qu’a présenté Amira Yahyaoui, Présidente de Al Bawsala le 24 avril avec une fraîcheur et une spontanéité qui a emporté l’adhésion du public.

Organisation non gouvernementale


Elle s’exprimait dans le cadre de la conférence de Paris sur l’Open Data organisée dans les locaux de la Cour des Comptes. Al Bawsala est une organisation non gouvernementale de droit tunisien à but non lucratif. Elle se déclare indépendante de toute influence politique.

Les actions des députés dans l’hémicycle étaient quasiment toutes inconnues, qu’il s’agisse de leurs votes, ou même simplement de leur présence. Al Bawsala a mis en place une surveillance des présences et des actions des représentants du peuple. Des membres de l’organisation placés sur les bancs du public identifient les actions de chaque député.

Obligés de reconnaître chaque député

« Les noms des députés tunisiens ne sont pas donnés lors des votes, nous sommes obligés de les reconnaître. Ma collègue en est arrivée depuis deux ans que nous travaillons dans l’assemblée à les identifier seulement à leurs ongles » note Amira Yahyaoui.

Lors de la constituante, bien que l’assemblée tunisienne soit composée à 40% de députés islamistes et à 60% de non islamistes, les textes votés étaient plutôt de tendance islamiste. « Les députés non islamistes étaient sur les plateaux TV à donner des interviews et à s’exprimer sur les textes des islamistes, alors qu’on les attendait pour appuyer sur des boutons » s’emporte avec candeur Amira Yahyaoui.

Les députés classés

« Comment leur expliquer ? » interroge-t-elle. Dès lors, pour marquer les esprits, l’organisation Al Bawsala a classé les députés. « Cela a augmenté leur présence. Il y a eu une augmentation de 30% des présences, et 30% de textes d’inspiration libérale en plus » explique-t-elle. Cela ne s’est pas fait sans difficultés. « Au début, les députés nous disaient mais qui êtes vous ? Vous n’êtes même pas élus !  Et puis, ensuite, ils se mis à parler entre eux de leur classement, en se comparant » ajout-t-elle, évoquant une ambiance plutôt détendue.

Un mot d’excuse pour absence

Certains députés en sont arrivés à envoyer un mot à Amira Yahyaoui pour expliquer que s’ils sont absents c’est une pour une bonne raison. En l’occurrence, l’un d’entre en eux  a envoyé un petit mot pour expliquer qu’il devait amener sa femme à un contrôle médical.

Un jour, un cas de conscience s’est posé avec le vote de la députée Lobna Jeribi. « C’était le vote sur la parité, elle a voté avec son bouton, et celui d’un député absent qui était près de son siège pour faire plus de voix. Je voulais aussi la parité, mais on a été obligé de dire ce qu’elle avait fait, parce que c’était une fraude » dit-elle. La députée en retour l’a remerciée pour avoir fait avancer la transparence.

Les députés impressionnés

Les actions d’Al Bawsala ont fini par attirer l’attention des médias internationaux. « Nous avons eu des articles dans Le Monde, dans Libération et à New York. Les députés ont été impressionnés, ils se sont dits que nous étions puissants » sourit Amira Yahyaoui. Les liens avec les députés se sont quelque peu libérés. « Un  député manquait pour le vote final de la constitution sur les 217 députés. Il était le seul absent, je lui ai envoyé un SMS pour qu’il vienne » illustre-t-elle.

« Et le jour où l’assemblée a voté l’article 32 de la constitution pour le droit d’accès à l’information, voté à 80%, cela faisait deux ans que nous suivions l’assemblée. Les députés se sont tournés vers nous – on se place toujours au même endroit, à gauche, – et ils nous ont applaudi, » a déclaré Amira Yahyaoui, déclenchant cette fois-ci les applaudissements du public de la conférence, dans la salle de la Cour des Comptes.

Photo, Amira Yahyaoui, Présidente de Al Bawsala, le 24 avril lors de la conférence de Paris sur l’Open Data.

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