Amende massive infligée aux sociétés de livraison de colis pour entente sur les prix

Geodis, du groupe SNCF, doit s'acquitter de 196 millions d'euros d'amende

En cette période de fête et d’activité maximale sur le e-commerce, le Père Noël va devoir rendre des comptes sur les tarifs qu’il pratique avec son chariot et ses rennes. C’est que cela ne plaisante pas dans le secteur de la livraison de colis.

Très lourde amende

C’est une très lourde amende de 672 millions d’euros que se voient infligés au total 20 sociétés du secteur et le syndicat TLF par l’autorité de la concurrence pour entente sur les prix de livraison.


Parmi les sanctionnés, on trouve les plus grands noms du transport de colis, Chronopost (Groupe La Poste), Geodis (Groupe SNCF), DHL Express, Fedex, etc  L’amende concerne des concertations sur les hausses tarifaires annuelles entre 2004 et 2010. Les société sont accusées de s’être réunies dans les locaux de leur syndicat professionnel TLF pour convenir des augmentations de prix.

Chronopost est sanctionné à hauteur de 99 millions d’euros, DHL de 81 millions d’euros, Geodis de 196 millions, Gefco de 30 millions et Fedex de 17 millions d’euros.

Les ententes ont mené à une augmentation des prix. À titre d’exemple, lors des négociations commerciales 2006-2007, la plupart des entreprises, qui envisageaient initialement une hausse tarifaire d’environ 5 %, ont, à la suite des échanges d’informations, rehaussé leurs demandes vers un niveau supérieur, autour de 7 %.

71% du marché

Les huit principaux membres de l’entente – Geodis, Chronopost/Exapaq (devenue DPD France), DHL, TNT, Mory, Dachser, Heppner et GLS – représentaient à l’époque des faits 71% du marché. Il était difficile pour les entreprises d’échapper aux effets de l’entente, ce sont les PME, qui faute d’un pouvoir de négociation suffisant, ont été les principales victimes de l’entente selon l’autorité de la concurrence.

Des tours de table étaient régulièrement organisés en amont et en aval des campagnes de revalorisation tarifaire. Cela permettait aux entreprises d’homogénéiser leurs demandes tarifaires et de sécuriser leurs négociations commerciales. Les discussions étaient tenues secrètes et ne faisaient l’objet d’aucun compte rendu officiel.

Les entreprises impliquées dans l’entente sont les suivantes : Alloin, BMVirolle, Chronopost, Exapaq (devenue DPD France), Ciblex, Dachser France, DHL Express France, FedEx Express France, Gefco, Geodis, GLS France, Heppner, Lambert et Valette, XP France, Norbert Dentressangle Distribution, Normatrans, Schenker-Joyau (devenue Schenker France), TNT Express France, Transports Henri Ducros, Ziegler France.

Participation active à l’entente

Le syndicat professionnel sanctionné est TLF. Les éléments au dossier montrent que ce dernier, au lieu de jouer son rôle de vigilance dans le respect des règles de la concurrence, participait activement tant à l’organisation des échanges illicites qu’à la protection de leur confidentialité.

A l’origine du dossier, on trouve les dénonciations de deux entreprises du secteur. Il s’agit du groupe Deutsche Bahn (pour sa filiale Schenker-Joyau devenue Schenker France) fin 2008 et courant 2010 et par l’entreprise Alloin (groupe Kuehne+Nagel) en 2010. Ces entreprises ont sollicité le bénéfice de la clémence.

Le dossier comporte de nombreuses preuves, à la fois fournies par les deux demandeurs de clémence (déclarations, auditions) et issues des pièces obtenues à l’occasion d’opérations de visite et saisie réalisées en septembre 2010 (comptes-rendus de réunion de TLF, notes internes de plusieurs entreprises, échanges de courriels entre concurrents, etc.).

Négociations annuelles

Les échanges se déroulaient généralement avant le début des négociations annuelles, puis pendant leur déroulement afin de réaliser un suivi et des bilans ex post. Ils prenaient la forme de tours de table au cours desquels chaque entreprise exprimait devant ses concurrents ses projets de revalorisations tarifaires ou la façon dont les négociations se déroulaient avec les clients.

Ces discussions étaient secrètes. Les échanges anticoncurrentiels étaient prévus à l’ordre du jour sous le titre « conjoncture » pour ne pas attirer l’attention et les comptes-rendus étaient volontairement succincts.

Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. L’Autorité de la concurrence s’est auto saisie dans le cadre de ce dossier.

Les pieds nickelés de l’entente tarifaire

Force est de constater que les pratiques d’entente sur les prix adoptées par le secteur du transport de colis montrent une profonde naïveté puisqu’elles faisaient l’objet d’écrits de la part des membres les plus novices du dispositif. La représentante du syndicat TLF devant expliquer par email en réponse à un adhérent qu’elle ne peut pas tout écrire dans l’ordre du jour sous peine de faire l’objet de sanctions de l’Autorité de la concurrence.
En témoigne un échange d’emails de septembre 2009 entre une des entreprises concernées et le syndicat TLF, échange saisi par l’Autorité : « Je suis surpris de ne pas voir à l’ordre du jour, la hausse tarifaire 2010. Nous avions convenu en juin, d’aborder ce sujet (…) » (soulignement ajouté). Et la responsable TLF de devoir répondre : « Comme vous le savez, je me dois d’être vigilante dans l’intitulé des points visés à l’ordre du jour. Ceci pour éviter à la fois à TLF comme aux entreprises membres du conseil présentes les risques de contrôles et de sanctions financières de la part du conseil de la concurrences [sic] d’où ma prudence. Cet aspect est traité dans un point 1 dit conjoncture..etc. à l’oral les participants évoquent les thèmes qu’ils souhaitent » (soulignement ajouté).

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